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de piton en piton. La prise de 1378 menace toute la ligne bulgare : elle doit se replier encore, se reporte sur la ligne de hauteurs qui, de l’Ouest et du Nord, tiennent Monastir sous le feu. Trente cavaliers français de l’escorte du commandant de l’armée courent sur la ville que l’ennemi évacue et brûle : leurs bras amassent les fleurs, dont, au son des cloches, les habitants les accablent, tandis que les mains des indigènes avides s’ouvrent aux biscuits et aux boules qu’en échange des trophées distribuent les libérateurs. Les Serbes viennent reprendre possession de « Bitoli » reconquise, quatre années, jour pour jour, après qu’ils y furent pour la première fois entrés (19 novembre 1916).

La force alliée décroît cependant. Tandis que des renforts allemands et bulgares barrent de part en part la Boucle, s’accrochent aux pentes de 1 050 et fortifient à 1 300 mètres les pentes Sud du Bobichté, de l’autre côté de la plaine, au Sud et au Nord de la trouée ouverte à travers la Baba planina par la vallée du Dragor, les arrière-gardes ennemies, profitant du répit que leur laisse la prudence italienne, se cramponnent aux versants du Peristeri neigeux, aux flancs de 1 248, dont l’observatoire altier domine la ville de Monastir et toute la plaine marécageuse qui s’étale jusqu’à la Tcherna. Les Serbes n’ont pas fait leurs escalades successives sans semer le long de la route morts, malades et convoyeurs ; au fur et à mesure que l’on s’éloigne des gares de ravitaillement de la ligne de Salonique, ce sont les . formations d’arrière, les trains muletiers qui s’accroissent. De ses 30 000 hommes une armée ne peut compter, deux mois après l’offensive, que sur 6 000 combattants. Nos propres forces ne sont pas plus riches : les dépôts intermédiaires sont vides, nos compagnies ont 90 fusils en moyenne et, pour remédier aux pertes, on n’a encore envoyé de France qu’un bataillon sénégalais ! La nature elle-même arrête l’offensive : la pluie est continuelle en novembre, en décembre ; les rivières débordent ; le brouillard estompe la plaine, la neige couvre la montagne ; la route de Salonique-Monastir est coupée par les eaux à hauteur de Ienidjé ; l’orage détruit en sept endroits entre Ekaterini et Plati la voie ferrée qui vient de Grèce. A la mi-décembre, en attendant des jours meilleurs, les armées alliées stoppent sur les positions acquises, appuyées sur le lac de Prespa, couvrant Monastir à 5 kilomètres au Nord, coupant