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demeurait tout à côté, et les municipaux Jault et Lasnier, ainsi que deux autres habitués de l’endroit dont les initiales seules sont indiquées. Simon par la du petit Capet : il avait « les larmes aux yeux » en répétant un propos tenu, la veille, par l’enfant : « Simon, mon cher Simon, amène-moi dans ta boutique ; tu m’apprendras à faire des souliers et je passerai pour ton fils, car, je le prévois, ils ne m’épargneront pas plus que mon père. » « Je donnerais un bras, ajoutait Simon, pour que cet enfant m’appartînt, tant il est aimable et tant je lui suis attaché. » Il est établi aussi que le ménage Simon, exclu de la prison royale, décida de se loger dans les environs immédiats de la Tour : on possède, en effet, l’indication précise du logement que le cordonnier et sa femme louèrent « dans un bâtiment ayant vue sur la cour des Ecuries, » cour qui n’était séparée du jardin de la Tour que par une porte dont Piquet était le concierge. Les Simon avaient là deux pièces et une cuisine ; mais ce qui étonne c’est que, en même temps, ils s’étaient assurés d’une seconde installation à l’autre extrémité de Paris, dans leur ancienne rue Marat. Ils louaient là, dans le ci-devant couvent des Cordeliers, deux chambres à cheminée et à alcôve, prenant vue sur les quinconces du jardin ; ils payaient au département, propriétaire de l’immeuble, 60 francs par an ; et on demeure assez intrigué de cette double installation, en des quartiers si distants l’un de l’autre, pour de pauvres hères dont tout l’avoir mobilier valait 70 livres.

On a également toute certitude sur la date de leur départ définitif de la Tour du Temple : c’était bien le 19 janvier 1794, un dimanche ; en nouveau style, le décadi 30 nivôse de l’an II. Les quatre commissaires de service ce jour-là étaient Cochefer, Lasnier, Lorinet et Legrand ; nommés la veille au soir, ils avaient passé au Temple la nuit du 18 au 19, puis toute la journée du 19, quand, à neuf heures du soir, Simon les prévint qu’il allait partir et les invita à monter pour qu’ils lui donnassent décharge de la personne de Charles Capet. La formalité remplie, les Simon s’en allèrent, en pleine nuit brumeuse. L’enfant dormait-il ? C’est probable, car on a vu qu’il avait l’habitude de souper tôt et d’être couché pour neuf heures. Qui resta auprès de lui cette nuit-là ? Qui prit soin de lui, le lendemain, au réveil ? On ne peut le dire ; dès cet instant, c’en est fini de l’histoire du Dauphin captif. Personne,