Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le pays n’était point seulement pour Rome un grenier d’abondance ; c’était aussi un entrepôt de première importance, la grande voie commerciale de l’Orient. Par-là passait le négoce du monde. La plupart des choses précieuses que l’Asie fournissait au luxe romain, la myrrhe, l’encens, les pierres précieuses, la gomme, l’aloès, les épices de toute sorte, l’ivoire, les éléphants, les bêtes sauvages, les esclaves, entraient dans le golfe arabique et gagnaient la côte égyptienne pour emprunter la route fluviale jusqu’à Alexandrie. Deux ports surtout s’offraient au commerce : celui de Myos Hormos, un peu au-dessous de Koséir et celui de Bérénice, chez les Troglodytes, auquel correspondait Leukê Cômê, sur la côte opposée de l’Arabie. Une fois débarquées, les marchandises étaient dirigées par caravane vers Coptos, sur le Nil, ville située à six ou sept jours de Koséir, à dix ou onze de Bérénice, et reliée à ces deux points par des routes solidement établies, pourvues de distance en distance de caravansérails fortifiés, dont on a retrouvé les restes. Dès l’époque de Strabon, les gîtes d’étapes étaient pourvus chacun d’une citerne ; ils se multiplièrent dans la suite, à mesure que l’on découvrit de nouveaux points d’eau. Tous étaient bâtis sur le même plan, celui des fondouks actuels de l’Orient : au centre, une cour avec un puits dans un coin ; tout autour, des chambres pour les hommes, des magasins pour les bagages ; les animaux passaient la nuit dans la cour, en plein air, attachés à la corde ou entravés.

La région que coupaient ces routes était encore précieuse pour Rome à un autre titre. Il y avait là, dans les montagnes qui longeaient la mer Rouge, plusieurs carrières de marbres précieux : de porphyre au Djebel-Doukhan, de granit gris à la montagne appelée Oum-ed-Degal, de brèche verte à l’Oued-Hamamat, d’émeraude près de Bérénice ; l’exploitation en fut activement poussée sous l’Empire, afin d’assurer au luxe des constructions des matériaux de choix et aux empereurs, possesseurs des carrières, des revenus toujours renouvelés.

Pour garantir à l’État la pleine jouissance de l’Egypte, sans avoir rien à redouter de troubles intérieurs ou extérieurs, il fallait au pouvoir central la certitude que la paix n’y serait pas troublée. De là la nécessité d’entretenir une solide armée d’occupation et de la distribuer dans le pays de façon à faire face à toutes les menaces. Ailleurs les soldats étaient établis