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qu’elle comporte, défilé des hommes, simulacres d’attaque ou de défense, mouvements de fantassins et de cavaliers ; après quoi, le commandant, à cheval devant le front de la cohorte assemblée, prend la parole et prononce une belle allocution, où il a soin d’unir dans les mêmes éloges les noms de ses supérieurs, le préfet du prétoire, chef d’État-major de l’empereur, le préfet d’Egypte, qui commande le corps d’occupation, le légat de la légion d’Alexandrie, à laquelle est rattachée la cohorte. Les soldats lui répondent par des acclamations et des souhaits de bonheur. Il reste, avant de clore la cérémonie, à promener autour du camp les images impériales, afin de les présenter à la vénération publique. La journée s’achève par un banquet servi auprès du temple consacré aux empereurs. Les sous-officiers et leurs subordonnés s’y associent côte à côte, et les inégalités s’effacent pour un moment devant les plats fumants et les gobelets.

Les réjouissances des Saturnales remontaient à Rome à une époque très reculée. C’était une vieille coutume en Italie de célébrer le 17 décembre la fête du vénérable Saturne ; les familles se seraient bien gardées d’y manquer. On échangeait alors des cadeaux, bougies de cire, poupées ou gâteaux ; surtout, on réunissait en un grand festin tous les habitants de la maison, même les esclaves qui, ce jour-là, étaient autorisés à se servir les premiers. On tirait même au sort, parmi les jeunes gens, un roi du festin : investi de sa nouvelle dignité ; il commandait à tous, et, quoi qu’il ordonnât, il fallait lui obéir ; aux uns il imposait de se plonger la tête dans l’eau froide, aux autres de se barbouiller de suie, à celui-ci de danser tout nu, à celui-là de faire le tour de l’habitation avec quelque servante dans les bras ; toutes les maisons résonnaient de cris et d’éclats de rire. Ces rires avaient leur écho dans les cantonnements militaires, où la fête était organisée avec le plein consentement des chefs ; bien plus, l’Etat, pour en assurer le succès, retenait sur la solde de chaque soldat une petite somme, qui faisait face aux dépenses nécessaires.

Ce qui se passait alors, nous le savons par le récit de la passion d’un certain Dasius, légionnaire de l’armée du Danube, en l’an 303 de notre ère. « Les soldats des légions, dit le récit, avaient l’habitude de célébrer chaque année les Saturnales. Ce jour-là, celui que le sort désignait revêtait un habit royal et