Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérant Figaro, c’est-à-dire Beaumarchais lui-même, du point de vue national, le définit mieux ainsi : « Figaro a quelques-unes des qualités dont un Français tire vanité le plus volontiers, et il a quelques-uns des défauts qu’un Français se pardonne avec le plus de complaisance. Ajoutons tout de suite, pour être justes, qu’il est dénué de certaines vertus dont un Français peut s’enorgueillir. »


Ces vertus et d’autres encore, plus éminentes, elles ont fleuri naguère, au pays de France, dans un asile dont les ruines seules inspirent à M. Hallays un respect, avec un regret religieux. Pour visiter et vénérer ce qui reste de l’un et de l’autre Port-Royal, le flâneur se change en pèlerin. Au début de son pèlerinage, qui ne comprend pas moins de treize stations, il avoue qu’une secrète sympathie l’avait depuis longtemps attiré vers les choses et les gens de l’illustre et malheureuse abbaye. « Les cœurs les plus indignes sentent la beauté de ces existences si nobles, si pures, si harmonieuses, dont le rayonnement spirituel a été si puissant et si durable. Je sais que prononcer ce mot de beauté est ici presque un sacrilège. À Port-Royal, on haïssait la beauté comme une ennemie, comme une corruption. Mais qui donc maintenant louera les Arnauld, les Lancelot, les Nicole, les Pavillon, si nous ne nous en mêlons, nous, les « libertins » !… L’Eglise n’a jamais absous l’hérésie janséniste. Les hommes qui, par leur foi et par leur esprit de pénitence, sembleraient les plus aptes à comprendre et à honorer les grands solitaires et les grandes religieuses de Port-Royal, sont retenus par des scrupules d’orthodoxie. « À la vérité, l’hommage que nous leur apportons eût peut-être médiocrement flatté ces vertueux personnages. Qu’on les eût admirés sans songer un instant à les imiter, ils eussent rougi de cette honteuse aventure et s’en fussent accusés devant Dieu. Mais ils sont morts : nous les pouvons admirer en toute liberté, sans alarmer leur conscience. »

De cette libre admiration tout un volume rend témoignage. Après les deux chefs-d’œuvre, égaux et divers, de Racine et de Sainte-Beuve, nous y renvoyons ceux qui souhaitent de comprendre et de sentir le jansénisme. Ils trouveront là non point une histoire, mais plutôt une série de promenades, ou — puisque