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Choses invisibles, choses morales et françaises, il en est de plus proches de nous que les choses du jansénisme, et qui nous touchent davantage. Celles-là, encore et surtout, M. André Hallays en a connu le goût, l’amour passionné, et chaque fois qu’il les a vues en péril, il les a passionnément défendues. Sa passion alors a pris d’elle-même une forme, une des formes naturelles à son esprit, à son talent, et qui longtemps lui fut chère entre toutes : l’ironie. Aussi bien, pour la définir, la sienne tout au moins, il n’y a qu’à le citer lui-même. Il en parle en connaisseur et par expérience. « Elle consiste à donner au discours un tour plus vif, un accent plus pénétrant, grâce à un mensonge souriant dont personne n’est la dupe. C’est ainsi que l’on pourra, sans qu’aucun ait le droit de s’y tromper, émettre des aphorismes comme ceux-ci : « Le grand souci des journaux d’aujourd’hui, c’est le souci de la vérité ; » ou bien : « Le prestige du régime parlementaire grandit chaque jour en France. » Faut-il d’autres exemples ? L’embarras ne sera que de choisir. A la Rochelle, « il n’y a pas de statue de Richelieu. Ne le dites pas : un sculpteur entendra. » A propos d’un évêché, dont « l’Administration » ne sait que faire : « Il eût été si simple de laisser les évêques dans les évêchés ! »

Cela, c’est l’ironie légère. Elle sourit, se moque tout bas. Il en est une autre, qui hausse le ton. Elle s’élève jusqu’au mépris, elle s’emporte jusqu’à la juste et sainte colère. Elle ne rit plus, elle n’est plus un mensonge joyeux ou, comme disait Renan, d’eutrapélie. Celle-là aussi, M. Hallays s’en est servi comme d’une épée. Par elle il a porté de rudes coups et combattu vaillamment pour les plus nobles, pour les plus belles causes, hélas ! et les plus sacrifiées. Il a dit quelque part : « Un satirique ne déteste jamais très profondément l’objet de ses satires. » N’en croyez pas trop le satirique que fut parfois M. Hallays. Quand il l’a fallu, il a bien su haïr. « Vous excellez dans l’entrefilet, » disait à je ne sais plus quel journaliste politique un de ses confrères de l’Académie, à l’Académie. Les « filets » de M. Hallays, au Parlement, aux Débats, ne sont pas encore oubliés, de ceux-là surtout auxquels ils furent servis. « Politiciens et faiseurs de lois, (presque le