Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou sur le combustible. Le rôle de l’État ne sera point encore terminé ; il s’est engagé en effet soit par la charte-partie de la réquisition, soit dans le traité de paix, à remplacer les navires qui ont été détruits pendant la guerre. Il est douteux que le tonnage qui est à sa disposition, du fait des livraisons de l’Allemagne ou de ses achats particuliers, puisse compenser nos pertes, car nous savons qu’une grande partie des navires achetés en Amérique sont inutilisables. Le Comité des armateurs de France estime que la prudence conseille de prévoir pour le remplacement la construction de 200 000 tonnes de paquebots et mixtes, et 200 000 tonnes de cargos, ce qui entraînerait une dépense de 560 millions pour les paquebots à 2 800 francs la tonne, et de 317 millions pour les cargos, à 1 585 francs la tonne, au total 877 millions. Comme l’a très justement écrit M. Chaumet, au nom de la Ligue maritime française et de l’Association des grands ports, si l’État entend passer des commandes directes pour le remplacement des navires détruits par l’ennemi, « il est bien évident que le plan de ces navires doit être arrêté par les armateurs qui auront à les exploiter, au lieu de les construire au hasard, sans connaître leur destination, la vitesse, le nombre des voyageurs, le tonnage des marchandises transporter pour assurer un trafic rémunérateur. » Avant toute chose, il faut que l’Etat livre à l’armement le tonnage qu’il possède et dont il fait un si piètre usage.

Nous avons un nouveau gouvernement ; une nouvelle Chambre issue des suffrages de la France meurtrie siège au Palais-Bourbon. Ils auront une grave décision à prendre au sujet du catéchisme étatiste que leurs prédécesseurs leur ont légué. Nous leur demandons de réfléchir, avant de donner leur adhésion aux projets d’intervention qui leur seront présentés. Nous leur demandons de s’éclairer sur les conséquences et sur la portée de ces projets. C’est le moins que nous puissions attendre d’eux. La France doit se mettre au travail pour justifier la confiance que le monde entier a mise en elle, et sa production serait paralysée par l’oppression que ferait peser sur elle la main lourde et oisive des bureaux.


RENE LA BRUYERE.