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sur celles-ci un contingent qui les eût considérablement appauvries. Si elle avait dû l’être par des éléments auxiliaires français, inaptes au service armé ou territoriaux de vieilles classes, ces éléments n’y auraient pas suffi ; si elle avait dû l’être par des contingents coloniaux, largement utilisés à l’intérieur, beaucoup de travaux urgents dans la zone des armées seraient restés en souffrance. Il était donc naturel que l’idée vint de recruter en Italie une partie de la main-d’œuvre nécessaire.

La France a d’abord recruté de la main-d’œuvre, employée à l’arrière, dans des usines ou des exploitations diverses. Mais ce recrutement a été étroitement limité par les entraves que les règlements mettent à l’émigration italienne. Le gouvernement italien ayant alors mis à notre disposition quelques équipes de travailleurs militaires, encadrés, les bons résultats donnés par ces équipes, leur rendement supérieur à l’ouvrage, par rapport à celui d’ouvriers civils engagés par contrat privé, ont déterminé le gouvernement français à recourir à ce procédé dans une plus large mesure.

Quand, dans l’hiver de 1918, la certitude a été acquise que l’Allemagne porterait sur le front français son suprême effort, notre État-Major Général a demandé à l’État-Major Général italien de lui fournir cent mille travailleurs militarisés. La réponse favorable se faisant attendre, la question a paru assez importante pour qu’une mission spéciale, composée du maréchal Foch, de M. Abel Ferry et de M. Flanche, députés, fût envoyée à Rome, du 8 au 14 janvier, afin d’insister auprès des autorités militaires et des ministres italiens. Grâce à l’influence du maréchal Foch et à celle des deux parlementaires qui l’accompagnaient, l’accord a été réalisé ; 70 000 travailleurs militaires ont aussitôt été expédiés en France au fur et à mesure de leur formation en équipes, qui portent le nom romain de « centuries ». Avant l’offensive allemande et tant qu’elle a duré, ils ont été employés sur notre front et dans les secondes lignes, tantôt dans le camp retranché de Paris, tantôt dans les secteurs d’Amiens, de Soissons, de Laon, de Reims, à creuser des tranchées, à poser des réseaux de fil de fer, à préparer des emplacements de batteries, à construire des abris, à établir des camps d’aviation, à réparer ou à doubler des voies ferrées, à refaire des routes. Leurs services ont été des plus utiles et leur