Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aimée, et la maison que j’ai achetée est adossée à la chapelle Saint-Nicolas, succursale de Saint-Philippe du Roule. Beaujon l’avait bâtie et il l’a donnée par testament à la paroisse, en se réservant une entrée en bas pour ses gens, et une magnifique tribune pour lui, où l’on se rend de plain-pied. Tu passeras de ta chambre à coucher dans ta tribune.

Voilà, mon ange, ce qui m’a fait acheter cette habitation ; elle est située entre un jardin et une jolie petite église. Ce droit est stipulé au contrat, c’est-à-dire que c’est la seule maison qui soit ainsi dans tout Paris. Voilà ce qui, pour moi, valait seul les cinquante mille francs. Et cette obéissance à ta piété m’arrache mon bonheur cet hiver. Puisque je te dis tout, je te dis aussi que la petite maison de Beaujon est dans un magnifique état de conservation ; il y a trois pièces qu’on n’établirait pas avec deux cent mille francs. La glacière se louera huit à neuf cents francs ; c’est une œuvre formidable et elle ne réagit pas le moins du monde sur la maison. Tu ne peux pas te figurer l’affaire que j’ai faite ! Mais je t’avoue que je n’ai jamais vu que la tribune et ton plaisir d’aller de tes appartements à ton église ; les autres découvertes sont venues après. Non, j’ai pleuré en lisant ta lettre, j’ai pleuré comme une Madeleine, non pas que je te croie fâchée de l’acquisition, ni désolée de me voir m’enfourner dans des dépenses insensées. Maintenant, je n’ai plus goût à rien. Et qui sait ce qui arrive en un an ? Toute cette ardeur d’arrangements, c’était nous. Pour moi, mon Dieu, Passy est très bon. La preuve, c’est que si tu persistes, j’y resterai jusqu’en 1847. J’arrangerai notre nid lentement.

Quant à Victor [Honoré], il existe, et, si tu le veux ainsi, nous le reconnaîtrons par l’acte de mariage. Mais donne-le moi que je lui prodigue mes soins et ma vie. Laisse-le s’épanouir sous mes regards, que je le couve comme tu l’auras porté. Je m’en ferai ainsi un peu la mère. Me voilà bien triste de joyeux que j’étais. Mais je vais me plonger dans le travail.


Passy, 5 octobre.

Tu as très bien fait, mon gros Evelin adoré, de prendre deux plats, un de Chine, un du Japon, car cela fera l’ornement d’une étagère pour la salle à manger. Cela se placera dans le haut, de chaque côté du tableau de Vendanges acheté chez Schawb à la Haye. En regard, l’autre étagère aura, deux autres