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Voici « quatre paires de bas de coton pour la fille Capet à 16 livres la paire, » fil, aiguille, ruban et un dé, une livre de poudre, de la pommade, une livre de fil de Cologne à tricoter, « 66 livres au Gon Frétillot, horloger, pour avoir raccommodé deux montres d’or a la fille Capet. » Le nom du prisonnier revient plus rarement ; pourtant on voit, en vendémiaire, « quatre paires de bas de coton pour le fils Capet ; » et aussi, en germinal, reparait cette rubrique, négligée depuis longtemps : « un boisseau de vesche pour les pigeons du fils Capet, 20 livres. » Parfois : « deux livres de tabac » ou « des pantoufles : » c’est pour Tison, qui continue à se morfondre et à gémir dans son oubliette.

Matériellement ce régime n’a rien de pénible ; ce qui épouvante, c’est l’oisiveté où demeure l’enfant solitaire. Membres des comités, conventionnels, gardiens, geôliers, tous affectent de se désintéresser de son éducation ; on ne sait à quoi il occupe ses longues journées, puisqu’aucun de ceux qui ont pu l’aborder n’a rien raconté que l’histoire doive recueillir. Du temps qu’il vivait avec ses parents, le Dauphin savait lire ; il écrivait déjà correctement ; il apprenait l’histoire de France et le calcul…. De l’enfant qui végète au Temple depuis le départ de Simon, nul ne peut montrer une ligne d’écriture, une signature, un « gribouillage : » est-ce qu’il ne sait pas tenir une plume ? Est-ce qu’il ne demande jamais à ses gardiens, — si pleins d’attentions pour lui, à ce qu’ils assureront plus tard, — le crayon et le feuillet de papier blanc que tout enfant réclame dès qu’il en a fait une seule fois usage ? Est-ce pour cela aussi qu’on ne lui donne pas de maîtres ? Puisque rien n’indique et nul ne signale qu’il est malade, pourquoi ne pas s’occuper de son instruction ? La Convention, qui a proclamé et décrété le droit du plus humble aux bienfaits du travail et de l’étude, veut-elle condamner à l’abêtissement le seul être dont elle ait collectivement la tutelle ? Elle est donc bien résolue à ne jamais livrer cet enfant aux Puissances étrangères, puisqu’elle exige que son intelligence s’atrophie dans l’inaction ? L’honneur de la République est engagé cependant à ce que, le jour inévitable où sera rendu à la liberté le fils de France, l’état physique et intellectuel de celui-ci témoigne des soins qu’il aura reçus et de la générosité du peuple qui, par raison d’État, l’aura trop longtemps gardé captif. Plus on retourne ces questions, plus