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demanderions les enfants de Louis XVI. Mes instructions parlent d’apanages, de pensions ; mais ce n’est pas là la véritable question. Nous recevrons les prisonniers sans conditions, si l’on veut… Enfin ce n’est pas dans les détails de la paix générale, c’est immédiatement après l’échange des ratifications de notre paix particulière, que nous vous les demandons. » Barthélémy se défendait encore ; mais ses arguments étaient faibles : le Comité de Salut public lui soufflait que « les républicains, unanimes sur tout le reste, divergeaient d’opinion sur ce point spécial. » À quoi l’Espagnol répondait en citant le grand nombre de Conventionnels qui, soit pour un motif, soit pour un autre, avaient opiné pour qu’on renvoyât les prisonniers hors du territoire de la République. « Au surplus, concluait-il, on pourrait, afin de rassurer la France, insérer au traité une convention publique ou secrète par laquelle l’Espagne s’engagerait à ne pas laisser les enfants de Louis XVI sortir de son territoire et à ne jamais permettre qu’ils pussent devenir un centre inquiétant pour le gouvernement français. »

Barthélémy était acculé à un oui ou à un non : l’insistance du plénipotentiaire, espagnol durait depuis près d’un mois et celui de la République se trouvait dans un très grand embarras, quand, le 27 prairial, il reçut, par courrier du Comité de Salut public, une dépêche datée du 21 et par laquelle on lui envoyait le traité récemment signé avec la Prusse. Quelques lignes ajoutées en post-scriptum étaient ainsi libellées : « On a annoncé ce matin à la Convention nationale la nouvelle de la mort du fils de Capet, qui a été entendue avec indifférence, et de la capitulation de Luxembourg qui a été reçue avec les plus vifs transports. »

Dans les conditions où l’on se trouvait, cet incident « par lequel la politique du Comité se croyait mise à l’aise » parut au monde entier trop opportun. « Personne ne s’attendait à cet événement ; » généralement on jugea « cette fin peu naturelle et précipitée » et on se livra à de « hideuses conjectures. » Du moins le Comité de Salut public se trouvait délivré de pressantes difficultés, et le seul obstacle s’opposant à la paix avec l’Espagne étant escamoté, le traité fut signé un mois plus tard.