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adroitement présentée comme une simple, mais très longue consultation.

Car, — ceci est presque incroyable, — le secret tenait toujours ! « La mort fut cachée, écrit Damont, le restant de la journée, — du 8, — et le lendemain jusqu’à l’arrivée de quatre députés… » Or, les députés n’arrivèrent que le 9, à onze heures du soir : ils n’étaient pas au nombre de quatre, mais bien de deux seulement, Kervelégan et Burgoing, délégués par le Comité de sûreté générale « pour s’assurer de l’exécution de différents arrêtés concernant Capet fils. » Ils entrèrent à la salle du Conseil, examinèrent le registre, collationnèrent avec l’original en leur possession la copie du procès-verbal d’autopsie qui y était déjà consignée, et, ayant constaté la bonne tenue des écritures, ils jugèrent le moment venu de donner « à l’événement la plus grande publicité. » Comme le bruit aussitôt répandu que le petit Capet était mort mettait le personnel en grand émoi, les représentants protestèrent « qu’il ne fallait pas mettre tant d’importance, qu’on l’enterrerait tout simplement ; » et, ayant réuni l’état-major, commandant, adjudant, capitaine, lieutenant, sous-lieutenant et sergent de garde, ils les invitèrent à défiler devant le corps et prirent la tête de la colonne qui s’engagea dans l’escalier. Tous ensemble pénétrèrent dans la chambre, entrevirent, à la lueur d’une chandelle ou d’un falot, le mince cadavre serré dans ses bandelettes et dont « toute la tête était couverte d’un linge ou d’un bonnet de coton fixé au-dessous du menton ou de la nuque. » Souleva-t-on cette cagoule ? C’est peu probable. Tous les assistants, interpellés de déclarer s’ils reconnaissaient en cette lamentable dépouille le fils du tyran, proclamèrent qu’ils le reconnaissaient « pour l’avoir vu, précise Damont, au jardin des Tuileries et ailleurs ; » ils signèrent complaisamment leur attestation ; et ce qui surprendra plus encore, c’est que la déclaration de ces militaires a été présentée, — et accueillie, — comme un argument décisif, abolissant toute incertitude, et démonstratif de la mort du fils de Louis XVI au Temple ! Puisque le Comité de Sûreté générale attache tant d’importance à ce que l’identité du petit Roi soit solennellement constatée, que n’a-t-il convoqué, avant l’autopsie, les témoins qu’il a sous la main : Mme Royale, d’abord, dont l’affirmation eût été péremptoire ; Tison, qui a vécu avec le Dauphin durant quatorze mois ;