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l’heure où cette étude est écrite, le papier a déjà sensiblement remonté et tend à dépasser les plus hauts chiffres atteints précédemment. C’est la conséquence de la loi sur la journée de huit heures, qui aggrave les charges de toutes nos industries. D’autre part, comme la France ne produit pas la quantité de bois nécessaire pour ses fabrications de papier, elle est contrainte d’acheter au dehors des pâtes de bois. Or, les transports, trop rares et difficiles, continuent à coûter fort cher. Et les cours actuels du change, qui ne font que s’élever, augmentent singulièrement le prix des achats à l’étranger. Il est donc à craindre que la hausse du prix du papier ne s’accélère et que l’on ne connaisse à nouveau et très vite les chiffres désastreux de 1918 et au-delà.

Ajoutez le malaise causé par l’instabilité et l’incertitude du lendemain. Le papier devenant de plus en plus rare à cause du ralentissement de production qui résulte de la loi de huit heures, son prix change désormais avec chaque commande. Ce qui fait que, désormais, les éditeurs de livres et de périodiques sont empêchés de savoir à quel prix ils pourront établir leurs publications au cours des prochains mois et que leurs prévisions sont à la merci de hausses soudaines. Déjà certains fabricants de papier n’acceptent plus de commandes qu’en spécifiant bien que le prix ne sera fixé que selon le cours du moment où le papier sera mis en fabrication.

En ce qui concerne les papiers de qualité supérieure, destinés aux éditions d’un prix plus élevé que l’ancien volume à 3 fr. 50, la hausse est non moins forte. Ce qui valait de 65 à 70 francs les 100 kilos se vend aujourd’hui de 300 à 400. Les papiers dits « couchés, » indispensables pour les éditions avec gravures, qu’on avait en 1914 pour un prix variant de 63 à 70 francs, ne peuvent être obtenus à l’heure présente qu’entre 375 et 420 francs. Et, après la baisse momentanée du premier semestre de 1919, le renchérissement s’accentue sans cesse.

Plus considérable encore est la progression des salaires, dans les diverses industries du Livre. Qu’on en juge.

J’ai sous les yeux les prix payés en 1914 et en 1919 par plusieurs grandes imprimeries parisiennes. Ils concordent absolument et permettent d’établir de la manière la plus précise l’aggravation des frais pour l’établissement de nos livres.

Un compositeur typographe qui, en 1914, était payé à raison