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Metz, suivant tel document protestant, sept conversions au lieu d’une ou deux dans les quatre années précédentes[1], et suivant tel document catholique, dix-huit au lieu de douze. Il ne faut pas plus quelquefois que ces légères ascensions d’une courbe pour encourager à l’erreur agréable un gouvernement mal informé.

Mais surtout, si l’on pensait à Metz, c’est parce qu’à Metz il y avait Paul Ferry, qui pouvait inspirer solidement beaucoup d’espoir.


II. — PAUL FERRY LE CONCILIATEUR

De fait, parmi tous les ministres « les plus raisonnables, » selon l’expression des catholiques, et les « plus enclins à la paix, » il était difficile de trouver mieux que le doyen et le principal des pasteurs de l’Église de Metz. Plus que Grotius et Georges Galixte, plus que Cameron et Mestrezal, plus qu’Amyraut et Testard, plus que d’Huisseau et Papin, et autant que d’autres pasteurs contemporains, l’Ecossais Dury, ou les sages et doux Le Blanc de Beaulieu et David Ancillon, Ferry ne songe qu’à la paix chrétienne et à la rétablir partout et pour toujours.

Ferry est la conciliation personnifiée. Je sais bien qu’avec une nuance d’ironie, les critiques du XVIIe siècle l’appellent « le bon homme. » Oui, il a cette bonté qui peut-être n’est pas en soi la plus achevée, mais qui est et doit être la plus respectée et la plus aimée, celle que le spectacle des divisions afflige et qui rêve d’une humanité unanime et fraternelle. Et ce rêve, il ne s’était pas contenté de le concevoir et de le chanter, en poète qu’il était à ses heures[2] ; il avait voulu l’accomplir.

Né en 1591, — arrivé à l’âge d’homme en un temps où les hommes religieux perspicaces pouvaient voir se former contre le christianisme une sorte de conspiration latente de l’humanisme stoïcien et de l’humanisme libertin, sceptique ou nettement incrédule, — il avait songé tout de suite à réaliser contre

  1. Registres manuscrits, conservés à la Bibliothèque de la Société d’Histoire protestante de Paris et communiqués par M. le pasteur N. Weiss.
  2. Les premières œuvres poétiques de Paul Ferri, Messin, où, sous la douce diversité de ses conceptions, se rencontrent les honnêtes libertés d’une jeunesse. Moutauban, 1610, réimp. la même année, à Lyon, in-8o.