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tous crié aux braves gens qui nous ouvraient les bras : « Le jour où l’Allemagne s’est jetée sur nous, nous nous sommes juré de ne pas déposer les armes avant de vous avoir libérés. Mais la guerre est chose si affreuse que, tout inconsolables que nous fussions d’être séparés de vous, nous n’aurions jamais, même pouravoir.la joie de vous retrouver, pris sur nous de précipiter la France dans une telle catastrophe. » Et, jusque dans l’ivresse sacrée de ces heures inoubliables, il n’était pas un Lorrain, pas un Alsacien, qui ne comprît et n’approuvât la déclaration que nous dictait notre conscience. S’il plait aujourd’hui à quelques isolés de se faire, dans les pays alliés, les tristes colporteurs de la calomnie allemande, personne ne s’imaginera qu’il puisse y avoir, dans leurs fantaisies, rien qui justifie la révision du traité de Versailles et, bien que les journaux officieux du gouvernement de Berlin appuient volontiers ces pauvres tentatives, l’Allemagne elle-même ne saurait avoir l’illusion de tromper, sur les responsabilités de la guerre, d’autres que ceux qui veulent être trompés.

Elle compte certainement beaucoup plus sur ses protestations de bonne volonté impuissante et d’irrémédiable insolvabilité. Pour faire pénétrer dans l’opinion des peuples vainqueurs la conviction qu’elle voulait sincèrement exécuter le traité, mais qu’elle ne le pouvait pas, elle a eu recours à toutes les ressources de son génie de propagande, momentanément assoupi par la défaite et déjà réveillé. Bien entendu, elle ne s’est pas, d’abord, adressée à la France. Elle s’y serait heurtée à une résistance insurmontable. La France est, de toutes les nations belligérantes, celle qui a le plus souffert. Lorsqu’elle a consenti à l’armistice, c’est sous la condition, expressément formulée, qu’il lui fût accordé des réparations et des garanti es. Lorsqu’elle a connu le traité de paix, elle a trouvé assez décevantes les garanties qui lui étaient offertes, mais elle a.lu, du moins, avec satisfaction dans l’article 232, que les réparations seraient intégrales. Chaque fois qu’une discussion s’est engagée, à ce sujet, dans les Chambres, tous les orateurs se sont trouvés d’accord avec le gouvernement pour déclarer que la France avait droit au remboursement total de ses dommages de guerre. Les personnes défiantes se disaient : « Notre créance ne sera pas gagée ; dans quinze ans nous n’aurons même plus d’hypothèque territoriale; nous risquons de voir cesser quelque jour le paiement des annuités. » Mais personne n’avait, semblait-il, la moindre raison de supposer que l’Allemagne allait essayer de contester, au lendemain même du traité, le principe et le montant de notre créance.