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comment finit la guerre.

Feld-Maréchal von Schlieffen sur la bataille de Cannes avait transporté dans le domaine de la haute stratégie la tactique d’Hannibal : fixer l’adversaire sur tout son front et l’entourer en l’attaquant par les deux ailes. Le général baron de Falkenhausen en avait déduit un plan d’opérations qui déployait 44 corps d’armée allemands entre la Suisse et la mer du Nord avec avance par les deux ailes, mais surtout par la droite en Belgique, avec rabattement à travers le Nord de la France où les places Lille-Maubeuge, puis La Fère-Laon-Reims, restées inachevées, n’offraient pas d’obstacles sérieux. Il avait exposé cette conception dans son étude la Guerre de masses qui avait été librement discutée.

Dans son ouvrage la Guerre d’aujourd’hui, le général von Bernhardi avait objecté que ce plan faisait état de formations de réserve employées en première ligne dès le commencement des opérations et jugeait cet emploi imprudent et d’ailleurs inutile. Il dit à ce propos : « Entreprendre une attaque décisive avec des troupes qui ne satisfont point à toutes les exigences, et qui, peut-être, seront en partie nouvellement constituées, comme les divisions de réserve, par exemple, ce serait presque commettre un crime contre l’esprit de la guerre ; car, ainsi que Clausewitz l’enseignait déjà, on ne doit jamais attendre du seul mot d’armée constituée ce qui ne peut être donné que par la réalité. » Il proposait hardiment de concentrer les forces allemandes entre la Lorraine et le Limbourg hollandais, en laissant le champ libre à l’armée française au Sud de Metz : plus elle s’avancerait vers l’Est, plus sa situation serait critique, car les armées allemandes, pivotant autour de sa gauche, marcheraient sur Paris découvert et prendraient l’armée française à revers : la concentration française se faisant N.-S. face à l’Est, la concentration allemande se ferait N.O.-S.E. ; c’était l’ordre oblique du Grand Frédéric ressuscité, et non pas Cannes, mais Leuthen. Et Bernhardi, après avoir usé d’une précaution oratoire en indiquant qu’il s’agit d’un exemple théorique, développe sommairement les artistiques manœuvres de ce vaste front, résolument offensif à droite, en profitant pour ses attaques échelonnées du magnifique réseau ferré de la Belgique et de la Hollande, défensif à gauche avec Metz-Thionville, Trèves-Luxembourg, Mayence et la ligne du Mein ; front très articulé, brisé de coupures ; et il revient