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résistance. Ses préoccupations étaient sans doute uniquement tournées vers les œuvres de paix, — et trop uniquement peut-être. C’est seulement une guerre défensive qu’on pouvait prévoir. Mais croire que des considérations matérielles, quelque importantes qu’elles fussent, pourraient peser sur ses résolutions après l’agression de l’ennemi, c’était méconnaître le moral de la nation en armes ; sous le choc brusque et inattendu, l’instinct de conservation collectif se réveille, la figure de la Patrie se dresse, et les morts parlent.

II. — LA BATAILLE DES FRONTIÈRES ET LA RETRAITE.


Dès le début de juillet, l’Allemagne avait pris un certain nombre de mesures qui préparaient son entrée en campagne. Le 31 juillet, l’état de « menace de guerre » Kriegsgefahrzustand fut proclamé et lui permit la mobilisation de 6 classes de réserves. En même temps, les voies ferrées et les lignes télégraphiques étaient coupées sur la frontière d’Alsace-Lorraine. Le 1er août l’Allemagne déclarait la guerre à la Russie, le 3 août à la France, le 4 août à l’Angleterre. La guerre avec la Russie, alliée de la France, ayant été déclarée dès le 1er août, il semblait bien qu’une déclaration de guerre à la France était inutile ; néanmoins il importait de lever tous les doutes à cet égard : l’ambassadeur d’Allemagne avait donc ordre, si, contre toute attente, le gouvernement français proclamait sa neutralité, de réclamer comme gage l’occupation de Toul et de Verdun par les troupes allemandes, injure grossière qui, de toute façon, rendait inévitable la guerre décidée par le gouvernement allemand. Avant toute déclaration de guerre, des patrouilles allemandes avaient franchi la frontière sur 17 points différents, cherchant vainement un incident qui pût servir de prétexte aux hostilités : mais les troupes françaises s’étaient, par ordre du gouvernement, éloignées de 10 kilomètres du territoire d’Alsace-Lorraine et de Belgique. Il fallut donc recourir à l’imagination pure et inventer de toutes pièces un bombardement de Nuremberg par des avions français, démenti ultérieurement par les autorités locales elles-mêmes, et la présence tout aussi fausse d’officiers français en Belgique. En forçant le gouvernement impérial allemand à recourir à ces prétextes dérisoires et mensongers, le gouvernement français bravait