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continue d’agir au cœur de l’Islam. C’est ainsi qu’il a repris, après Renan, la question de l’Averroïsme et qu’il a montré tout ce que saint Thomas d’Aquin devait à Averroès.

Je ne cite que ses principaux travaux ; mais cela suffit pour que nous accueillions la nouvelle thèse de ce grand arabisant avec toute l’attention que sa méthode et son talent exigent. Elle s’offre à nous sous la double garantie de la Science et de l’Eglise.


Or, M. Asin, étudiant les doctrines néoplatoniciennes et mystiques du philosophe musulman Abenmasarra, s’aperçut qu’elles s’étaient infiltrées dans la scolastique chrétienne et qu’elles avaient été adoptées non seulement par les docteurs de l’Ecole franciscaine ou préthomiste, mais par Dante, que tous les historiens qualifiaient de thomiste et d’aristotélicien ; et, comme il en suivait la filiation chez un autre grand penseur musulman, Abenarabi, il fut frappé de trouver dans son œuvre le récit d’une ascension allégorique qui ressemblait singulièrement à l’ascension de Dante et de Béatrice à travers les sphères du Paradis. A la regarder de près, cette allégorie ne lui parut être que l’adaptation de la fameuse ascension de Mahomet jusqu’au trône de Dieu, qui fut précédée de son voyage nocturne dans les régions infernales. Alors il compara méthodiquement la légende musulmane et le poème dantesque, et il se convainquit que l’architecture de la Divine Comédie était en grande partie l’œuvre d’un architecte musulman.

Mais le poète chrétien et les théologiens arabes n’avaient-ils pas eu un modèle commun dans les légendes chrétiennes antérieures ? L’étude de ces légendes lui réservait une autre surprise. Jusqu’au XIe siècle, ces légendes, que ceux qui les avaient étudiées considéraient comme une lente élaboration de la foi unie à la science théologique des moines et à l’invention des trouvères et des jongleurs, étaient pauvres, puériles, avec des descriptions topographiques très vagues et une représentation de la vie future très basse. D’Ancona constate qu’elles n’ont pu servir de modèle à Dante. Brusquement, à partir du XIe siècle, d’autres légendes apparaissent plus précises, plus complètes, plus systématiques dans la distribution des peines et des récompenses, et révélant une culture plus raffinée. D’Ancona y voit déjà des ébauches du poème dantesque. Mais d’où