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prendre un siège qui ne pouvait se prolonger au delà de quelques jours, de quelques heures peut-être : le temps de mettre en batterie l’artillerie à grande puissance et de régler son tir sur des objectifs connus longtemps à l’avance. En conséquence, un décret du 3 août 1915 avait supprimé les « places fortes » avec leur organisation autonome dans un périmètre étroitement limité, et elles avaient été remplacées par des « régions fortifiées » beaucoup plus étendues. L’application de ce décret avait donné lieu à de fâcheuses exagérations ; il fallait éloigner de la place les ouvrages de défense, puisque la portée des canons avait augmenté, mais c’était une erreur de croire, comme conclusion d’expériences encore mal connues, à l’inefficacité complète de la fortification, et il fallait simplement admettre que la protection des ouvrages devrait croître, comme toujours, avec la puissance des projectiles. À Verdun en particulier, ce fut une faute de négliger leur entretien et leur défense. Les tourelles cuirassées n’ont subi que des avaries réparables, les abris profonds ou suffisamment bétonnés sont restés constamment utilisables ; les forts et les ouvrages modernes ont été tels quels d’un très précieux secours, malgré leurs avaries ; les forts plus anciens ont nécessité des travaux d’approfondissement assez considérables, mais ont pu servir utilement. Les troupes ont trouvé par instants un abri sur, des repas chauds, des approvisionnements certains en vivres et en munitions et, grâce à cet ensemble, elles ne sont jamais arrivées au dernier degré d’épuisement.

On peut prévoir que dans l’avenir la cuirasse et le béton continueront à jouer leur rôle ; les abris se feront plus profonds, avec des communications enterrées dont certaines auront des amorces de dégagement à ouvrir au dernier moment, selon plusieurs variantes étudiées à l’avance ; réseaux téléphoniques et aqueducs à l’épreuve s’imposeront ; protection perfectionnée contre les gaz toxiques, ouvrages permanents à compléter en cas d’attaque par des abris de mitrailleuses en quinconces, etc… les moyens de la défense continueront vraisemblablement à se perfectionner en même temps que les engins de l’attaque. Gagner du temps, garder un point d’appui important, économiser les effectifs, tel a toujours été le rôle de la fortification, qui ne donne jamais la décision, mais qui peut permettre de la préparer.

La région fortifiée de Verdun était sous le commandement