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comment finit la guerre.

heurtent aux attaques allemandes, et leur progression est au début très lente. Mais celle de l’ennemi est arrêtée et sa volonté sera bientôt dominée. L’acharnement des deux adversaires s’équilibre et le cours de la bataille est à un point mort, mais on sent déjà que le mouvement est près de changer de sens.

Cependant, le soir du 23, la situation était grave, car la vague allemande était bien près de battre cette côte de Belleville, dernière digue qui la séparait de Verdun. Elle atteignait la tête des ravins descendant de Froide-Terre vers la Meuse, et la côte du Poivre était menacée d’être submergée avec ses défenseurs pris à revers.

Le général Nivelle, commandant l’armée, confère avec le général Mangin. Tous deux sont d’accord pour penser qu’il faut contre-attaquer à outrance ; le front menacé est dans une position d’équilibre instable et ne peut trouver son salut que dans le mouvement en avant ; le général Nivelle approuve les ordres donnés en conséquence. En rentrant à son Quartier général, il trouve le général Pétain qui s’assure que toutes les mesures sont prêtes pour l’évacuation de la rive droite, préparée dans le moindre détail quand il commandait l’armée de Verdun. Les positions de repli par échelon sont fixées à l’avance, de façon que cette savante retraite ne laisse aucun trophée à l’ennemi. Mais à cette disposition d’esprit qui lui fait envisager le pire, le général Pétain joint une admirable fermeté d’âme. Sauf le général Nivelle, aucun de ses subordonnés ne se doute qu’il ne pense pas que l’armée puisse conserver ses positions sur la rive droite. Quand il demande qu’on prépare l’opinion publique à la nouvelle de cette retraite, c’est à l’arrière qu’il pense ; à ses soldats et à leurs chefs, il montre un visage impassible et continue à dire : « On les aura ! »

Le général Nivelle ne l’a pas convaincu. Pour la troisième fois, le général Pétain expose au commandant en chef le danger de la situation. Le tiers de l’artillerie française est sur la rive droite et serait perdu en cas de revers, si elle n’est pas repliée avant que l’artillerie allemande batte les ponts de la Meuse, et trois jours sont nécessaires à l’exécution de ce repli ; il serait prudent de le commencer.

Mais le général Joffre est imperturbable. Il répond le 26 que la préparation de l’offensive franco-anglaise est commencée et répète que Verdun doit se défendre sur la rive droite ;