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pour la plupart musulmanes. Par le Turkestan chinois elles sont en liaison avec la Mongolie et la Chine ; au Sud, elles confinent à la Perse ; par-delà la Caspienne, elles sont d’intelligence avec les Musulmans du Caucase, de l’Azerbaïdjan et de l’Anatolie. Nous avons expliqué ici le rôle des Musulmans de Russie dans la révolution[1] ; nous avons montré aussi la place des peuples touraniens dans l’histoire de l’Asie et de l’Europe[2]. Nous n’y reviendrons pas. L’ensemble des peuples turco-mongols, y compris les Turcs de l’Empire ottoman, peut compter environ vingt-huit millions d’hommes, dont dix-sept appartenaient à l’ancien Empire russe. Incapables de fonder de grands États de liberté et de progrès, de créer une civilisation, ils représentent une redoutable force de destruction. Nullement attachés au sol, toujours prêts à plier leurs tentes de nomades et à courir l’aventure, ils ont gardé le goût ancestral de la guerre et du pillage. Les bolcheviks ont reconnu en eux un instrument de ruine et de mort qu’ils travaillent à façonner à leur service. Plusieurs fois déjà dans l’histoire on a vu ces tribus en général isolées, s’agglomérer, se soulever, se mobiliser et passer sur l’Asie et l’Europe comme un torrent qui dévaste et nivelle, puis disparaître sans laisser d’autres traces que des ruines. Serions-nous à la veille d’une pareille ruée ? Les bolcheviks de Russie parviendront-ils à galvaniser une fois encore la grande famille tartare, mongole et turque, à la grouper et à la jeter sur l’Egypte, sur l’Inde, sur l’Europe ? Et M. Asquith était-il bon prophète quand il disait récemment : « Un danger pire que l’invasion mongole menace l’Europe ? »

En août 1919, les Izvestia, organe des Soviets, écrivaient : « L’armée rouge ira jusque sur les bords du Rhin, s’il le faut, pour lutter contre le capitalisme et soutenir le prolétariat allemand. » De ce côté, simple bravade dont les chefs du bolchévisme ne sont pas dupes ; mais, contre les Polonais, menace déjà plus sérieuse : en montrant le poing à la Pologne, les maximalistes espèrent rallier certains nationalistes russes et flattent les rancunes germaniques. La situation de la Pologne entre les disciples de Tirpitz et de Ludendorff, s’ils revenaient au pouvoir, et les fervents de Lénine et de Trotski, serait singulièrement précaire ; c’est pourquoi, on ne saurait trop le

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1919.
  2. Voyez la Revue du 1er septembre 1919.