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Un autre vœu du congrès de Sivas est en voie de s’accomplir. Les Arabes du Hedjaz, pendant la grande guerre, se sont affranchis de la suzeraineté ottomane et, à l’instigation de l’Angleterre, ont combattu les armées turques. Mais, après l’armistice, les Anglais crurent habile d’utiliser le mouvement d’indépendance arabe contre l’influence française en Syrie ; ils récoltent aujourd’hui ce qu’ils ont semé ; un courant d’hostilité contre tous les étrangers et les chrétiens se dessine, colporté par les Bédouins et les gens du Hedjaz ; on commence à parler ouvertement d’expulsion et de massacre ; des sociétés secrètes, telles que « la Société du sacrifice » à Alep, se donnent pour mission, comme les « assassins » du Vieux de la Montagne, de tuer les étrangers ou de périr. Entre ces éléments exaltés du panarabisme, et les nationalistes turcs à tendances pantouraniennes, la liaison est établie ; l’ancienne hostilité est abolie : la théocratie féodale du Hedjaz cherche maintenant à imposer son autorité à toute la Syrie en s’appuyant sur les Turcs et en excitant contre les Européens le fanatisme panislamique.

La défaite du général Denikine, la mort de l’amiral Koltchak, la reconnaissance, par la conférence des Alliés, de l’indépendance de fait de l’Azerbaïdjan, ont encouragé les nationalistes turcs dans leur résistance aux volontés des vainqueurs et dans leurs espérances pantouraniennes, en même temps que le mouvement bolchevik, dont l’évolution interne tend vers Une sorte de nationalisme révolutionnaire et émancipateur. Turcs nationalistes et Russes bolcheviks espèrent d’ailleurs trouver des appuis en Europe dans les partis révolutionnaires communistes, particulièrement ceux d’Italie qui déjà prêtent leur concours aux nationalistes d’Egypte. La Suisse est un centre d’agitation panislamique : Turcs, Egyptiens, Persans s’y rencontrent ; c’est un va-et-vient continuel de délégués entre la Suisse, Constantinople, le Caucase, l’Egypte, Moscou, Berlin.

Beaucoup de fils de la vaste intrigue aboutissent entre les mains du célèbre agent international Helphand, dit Parvus, que le gouvernement helvétique a récemment invité à sortir de la confédération. Qui connaîtrait les intrigues de ce juif de Bessarabie pendant toute la guerre, posséderait la clef d’événements considérables. Agent révolutionnaire au service de l’Etat-major allemand, il est mêlé à toutes les trames qui