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quelque chose de décidé, parfois de brusque et d’impérieux. En tout cas, sans rien répudier de ce que son siècle a de meilleur, il a naturellement l’allure et le grand air des styles classiques. Il est souvent oratoire, il a le tour des vieilles correspondances diplomatiques du xviie siècle. Ainsi écrivaient autrefois, du fond de leurs châteaux des Cévennes ou du Beaujolais, les Villars et les Vogué, — sans y tàchor, en quelque sorte par droit de naissance. De même, M. Robert de la Sizeranne, pour retrouver ce slyle-là, n’avait qu’à se donner la peine de naître.

Il a passé son enfance dans les montagnes du Dauphiné et dans une solitude à peu près complète. Pour un enfant contemplatif, cette solitude de la campagne est une bénédiction. On a très peu de petits camarades de son espèce, sinon de sa condition. Et ainsi on est à peu près seul toujours, on peut rêver à l’aise et infiniment. On a pour amis les fleurs et les arbres. Celui qui écrit ces lignes a passé des heures, lorsqu’il était petit garçon, à contempler des groseillers chargés de leurs grappes d’ambre ou de rubis. Robert de la Sizeranne, lui, contemplait les montagnes de son pays. Tout jeune, il a eu d’autres horizons que ceux d’un jardin de village. Entraîné par un père artiste, il a couru les Alpes, le sac de touriste au dos, et, le plus souvent, le carton à dessiner sous le bras. Il s’est promené à travers l’Oisan, le Vercors, la Savoie surtout. Il a connu la Meije à une époque où nul n’en parlait. Il a longtemps habité Margès, dans la vallée de l’Isère, et, des fenêtres du logis familial, il pouvait apercevoir, aux deux extrémités opposées de l’horizon, les Alpes et les Cévennes.

Cette nature montagnarde, ces grands spectacles naturels, ont façonné de bonne heure les sens de l’enfant ou de l’adolescent qu’il était. Le Dauphiné, où il naquit, n’a rien de méridional, ni de provençal. C’est un pays de forêts, de prairies, d’étangs, de cascades et de torrents, de hautes et merveilleuses architectures minérales. Bien avant d’avoir lu Ruskin, la Sizeranne y a pris l’admiration des rochers, des vieilles pierres, des moindres cailloux, pourvu qu’ils fussent singuliers, révélateurs de la plus humble intention de beauté. Et, comme, dès cette époque, il dessinait d’après nature, il n’a pas vu seulement en contemplatif ce grandiose paysage, il l’a regardé en homme de métier, cherchant à se rendre compte de tout dans