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prérogative de « connaître et de décider, dans les causes relatives aux hérésies ou opinions produites à Paris et dans les environs ; » cette prérogative allait les amener, en septembre 1430, à faire brûler une pauvre Bretonne dite la Pierronne, dont l’un des crimes était d’avoir proclamé la vocation divine de Jeanne. Et c’est au nom de cette même sollicitude pour la foi que le recteur Guillaume Éverard, dès le 25 mai 1430, faisait réclamer au Duc de Bourgogne, par le vice-inquisiteur Billori, la livraison de la Pucelle, « soupçonnée véhémentement de plusieurs crimes sentant hérésie, » et qu’un mois plus tard l’Université tout entière insistait, dans deux lettres instantes au Duc de Bourgogne et à son vassal Luxembourg.


VIII. — UN AGENT POLITIQUE DEVENU JUGE D’EGLISE : CAUCHON

Mais, pour ce Luxembourg, Jeanne était un butin de guerre. La livrer gracieusement, comme gibier d’Inquisition, n’avait rien qui le tentât. L’Angleterre allait intervenir, non point avec des sommations canoniques, mais avec des promesses de deniers : Jeanne lui fut livrée. L’ayant achetée, elle la détenait et se proposait expressément, quelle que fût l’issue du procès projeté, de ne la plus relâcher. Elle allait la faire juger à Rouen, sous ses yeux. Le terrain semblait propice. Pas d’archevêque : le nouveau titulaire du siège ne devait prendre possession qu’en 1432. Pas de doyen du chapitre : le personnage qui portait ce titre n’avait jamais résidé à Rouen. Sur trente chanoines que comprenait l’ancien chapitre de Rouen, treize avaient expié par la perte de leurs prébendes le crime d’être trop Français ; neuf autres devaient se tenir à l’écart du procès de Jeanne. On allait tenir, aussi, à l’écart des fonctions ; d’assesseurs tous les curés rouennais. Pour composer un tribunal et préparer un jugement, l’Angleterre disposait d’un metteur en œuvre fort expert, Cauchon, évêque de Beauvais.

En 1420, durant le siège de Meaux par les Anglais, trois religieux qui défendaient la place étaient tombés entre leurs mains ; on les avait envoyés, tout de suite, à Cauchon. Et Juvénal des Ursins nous raconte :


Il faisait diligence de les faire mourir et de les mettre, en