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florissante récolte annuelle de céréales, ne se reposent plus ; elles ne connaissent plus la jachère : elles sont livrées à la canne à sucre et au cotonnier. Elles exigent maintenant une véritable culture scientifique où l’apport du travail humain est presque aussi important que celui du sol, du climat et du Nil. » Le fellah, qui vit dans les contrées à irrigation continue, est en effet absorbé par un labeur constant. Après avoir labouré son champ en juin ou juillet, il doit y semer du maïs. Quelques semaines après, c’est le tour du bersim. Le maïs étant récolté en septembre, la terre doit être préparée pour l’orge et le blé, que l’on sème en octobre, et qui se récoltent en février. Les fèves sont arrachées en avril et le bersim coupé ou pâturé en juin. Quant au coton, il occupe le fellah durant toute l’année. A ses travaux de semailles et de labourage doit se joindre l’entretien des canaux et rigoles d’irrigation qui sont à sa charge. Le travail de culture est encore plus ingrat dans les territoires limitrophes de la mer, où il faut constamment lutter contre l’invasion de l’eau, à l’aide des pompes d’épuisement et des machines élévatoires. Une société foncière, la « Béhera, » possède des usines qui drainent presque toute la région. D’autres, comme l’Union foncière d’Egypte, se consacrent exclusivement à la mise en valeur des terrains gagnés sur la mer.

C’est une chose bien curieuse de voir comment s’accomplit la préparation de la terre. Le sol se présente d’abord sous forme d’un immense marécage fréquenté par les flamants, les ibis roses et les sarcelles. Puis, un jour, des dragues viennent creuser de profonds canaux et des drains pour l’écoulement de l’eau. Les pompes sont alors mises en batterie et rejettent nuit et jour l’excédent d’eau dans la Méditerranée. La terre est divisée en une infinité de hods bornés par des digues. Ces hods sont nivelés soigneusement ; on y plante une sorte de graminée rude qui a la propriété de dessaler la terre tout en servant d’engrais vert. Les hods sont alors lavés et relavés pendant deux ans pour les débarrasser de leur sel, jusqu’à ce qu’on puisse y semer du riz, instrument parfait d’amélioration des terres basses. Les premières traces de bersim qui étendent sur, le sol leur note vert pâle sont l’indice que celui-ci est désormais apte à recevoir la plante classique du Delta, c’est-à-dire le coton. Presque aussitôt, la contrée, quoique toujours boueuse, prend un aspect riant, elle se peuple de villages