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attendent toujours une occasion propice pour se ruer sur le Delta. La poussée nationaliste n’a point un caractère révolutionnaire. Elle est essentiellement due à des causes politiques ; elle n’est point alimentée par les souffrances populaires. Dans ces conditions, il y a tout lieu de penser qu’elle ne dégénérera point en insurrection grave, et qu’on finira par trouver un compromis entre les revendications des partisans de l’autonomie et les justes aspirations du protectorat britannique. Cette question mériterait à elle seule toute une étude. Nous n’en avons parlé que pour montrer quelles conséquences elle entraîne au point de vue rural.

Chose essentielle, les troubles d’Egypte n’affectent en rien la situation économique du pays. Le fellah traverse en effet une ère de prospérité inouïe. Celle-ci tient surtout aux revenus de la culture du coton. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la production de cette plante n’a point augmenté jusqu’ici. En 1913, la récolte avait été de 7 684 000 cantars (environ 50 kilos), en 1915, elle était tombée à 4 880 000 cantars. En 1917, elle se relevait à 6 307 000 pour redescendre en 1918 à 5 252 000 cantars. Cette diminution était due surtout à la réduction de l’acréage qui était passé de 1 723 000 feddans en 1913 (environ 1 demi-hectare) à 1 360 000 feddans en 1918 ; le gouvernement ayant réduit obligatoirement les surfaces plantées en coton pour augmenter cette réservée aux céréales. D’autre part, le rendement par feddan a plutôt diminué dans ces dernières années ; il était de 4,4 cantars par feddan en 1913 ; il n’a plus été que de 3 en 1917 et de 3,8 en 1918. C’est donc surtout sur la valeur du coton que l’Egypte a réalisé des bénéfices. La monnaie qui sert à coter le cours du colon est le tallari, qui vaut en temps ordinaire cinq francs dix-huit centimes. Avant la guerre, on payait le coton servant de type de contrat pour la Course 45 tallaris le cantar. Au 1er septembre 1916, la nouvelle récolte valait 23 tallaris. Une hausse violente vint porter ce même colon à 44 tallaris fin novembre, et à 60 tallaris en juin 1917. Dès lors, la marchandise continue à bénéficier de cours exceptionnellement hauts. En décembre 1919, la Course d’Alexandrie couvrait d’applaudissements l’ouverture des cours à 100 tallaris. Au 30 janvier dernier, le coton valait 137 tallaris. Après avoir oscillé autour de 140 tallans, il vient de monter à plus de 182 tallaris. Les prix