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compromis et de marcher résolument dans la voie de l’honneur.

Or, dans cette longue période de soixante-dix ans, l’éternel obstacle que l’Italie rencontra devant elle, le rocher qu’elle roulait sur sa poitrine, et qu’il lui fallut rejeter d’abord de la Lombardie, puis de la Vénétie, puis du Trentin et de Trieste, ce fut l’Autriche. C’est toujours le même ennemi que l’historien retrouvait dans le passé. Dès lors, toute l’histoire de l’Italie, depuis la chute de Rome et l’invasion des barbares, lui apparaissait comme un duel entre deux principes opposés. Il reconnaissait au moyen-âge la lutte d’aujourd’hui, la guerre du monde latin et du monde germanique. Il conçut l’histoire de l’Italie, et celle même de l’univers civilisé, comme la rivalité de deux races et de deux génies, comme une grande bataille entre la barbarie et la latinité.

Ce fut le sujet d’une petite brochure, trop peu connue en France, Culture germanique et culture latine, que Villari publiait en 1861, l’année même de Savonarole, et qui occupe une place centrale dans ses écrits. Il la réimprimait trente ans plus tard, pour la quatrième fois, dans ses Essais d’histoire et de critique, sans rien y changer, et comme un résumé substantiel de sa pensée. Il y exposait les idées qui devinrent, à partir de 1890, ces beaux livres : les Invasions barbares et les Deux premiers siècles de l’histoire de Florence.

C’est dommage que M. Bonacci, en reproduisant d’ailleurs presque entièrement ces cinquante pages, ait cru devoir y intercaler des fragments d’autres livres, allant jusqu’à intervertir l’ordre même du discours. Il fallait, à mon sens, donner cette esquisse telle qu’elle est, en guise d’introduction à l’œuvre de Villari. Le lecteur eût été à même de mieux comprendre l’importance et l’intérêt de ce manifeste.

L’idée générale qui se dégage de ce morceau est assez voisine, au départ, de celle d’Augustin Thierry : on a vu, en effet, que la situation des deux historiens, en face du régime des Bourbons, est à peu près la même. Villari ne cache pas d’ailleurs son admiration pour l’écrivain français, qui semble avoir été, avec Walter Scott et Manzoni, le véritable maitre de sa vocation. Il pense comme lui que la féodalité est le legs des invasions. Mais voici le point où Villari se montre original. A la fin de la longue période des invasions, lorsque la conquête franque a jeté bas le royaume lombard, on trouve en Italie