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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les grands débats financiers ont enfin commencé devant les Chambres. Après le vote des trois nouveaux douzièmes, voici la discussion du budget et des impôts. Il est temps de prendre les mesures nécessaires pour comprimer les dépenses, pour assurer l’équilibre par des ressources permanentes, pour réduire une inflation fiduciaire qui entraine fatalement la hausse des prix et la tension des changes. Toute l’humanité civilisée a, en ce moment, les yeux fixés sur la France. Nos ennemis et nos rivaux nous reprochent joyeusement d’avoir, depuis l’armistice, perdu de longs mois dans l’inaction, de n’avoir rien fait encore pour améliorer notre crédit et d’avoir cru ou paru croire que la victoire des armes suffisait à régler toutes les difficultés économiques et financières. Nos amis se demandent avec quelque inquiétude si nous aurons assez de volonté et de persévérance pour nous imposer, après les cruelles épreuves de la guerre, de durs sacrifices d’un ordre nouveau, si notre courage fiscal égalera notre courage militaire et si les Français, qui ont si généreusement offert leur sang à leur patrie, lui donneront, avec le même empressement, quelque chose de leurs aises et de leur fortune, pour assainir ses finances et rétablir sa prospérité.

Dans un livre ingénieux qu’il consacrait récemment à La Bruyère, à La Rochefoucauld et à Vauvenargues et dans lequel il mettait en lumière les plus belles de nos qualités nationales, un auteur anglais, qui connait la France et qui l’aime, M. Edmund Gosse, s’est plu à noter, parmi les plus actifs stimulants de nos vertus traditionnelles, l’amour-propre et la passion de la gloire. Je ne prétends point que députés et sénateurs puissent trouver, dans la recherche d’économies budgétaires ou dans le vote de plusieurs milliards d’impôts, [1]

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