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Jacques Joli projetait une seconde joute, qui mettrait en relief l’innocence de Jeanne ; il ne semble pas qu’elle ait eu lieu[1].

A l’écart de ces jeux scolaires, un célèbre théologien de l’Eglise gallicane, Edmond Richer, se courbait longuement sur les précieux manuscrits où Pasquier s’était éclairé. Que n’imprimait-on « cent ou cent-vingt exemplaires » de ce procès ! « J’offrirais volontiers ma peine et mon travail, proposait Richer, pour revoir et conférer les copies et impressions sur les originaux. » En attendant, il allait, d’après ces pièces, écrire la vie de Jeanne. Ouvrant la biographie latine que publiait en 1612 le chanoine Hordal, Richer n’y rencontrait qu’un bien maigre récit, avec une collection d’intéressantes citations, empruntées à toutes sortes d’auteurs : la Pucelle méritait mieux. « Pour faire connaître à ma patrie, expliquait Richer, combien après Dieu elle est obligée à cette fille qui ne parlait que très bon français, j’ai mieux aimé l’écrire en notre langue, afin que ceux qui n’entendent pas le latin, et même les femmes et les filles, y puissent profiter et reconnaître les merveilles de Dieu envers le royaume de France. » Il voulait, aussi, que les « nations étrangères » profitassent ; et comme elles « ne pouvaient voir, sur le pont d’Orléans, » la croix monumentale élevée en l’honneur de Jeanne, il se proposait de leur en « donner connaissance, » par une gravure. Et pour commenter cette image, Richer, fouillant le livre des Juges, adaptait à Jeanne le cantique de Débora, « mère-en Israël ; » il disait aux « nations étrangères : » « Les hommes vaillants ont défailli en France jusques à ce que la Pucelle s’est levée, voire s’est levée comme la mère des Français. » Un historien l’avait salie, Du Haillan. Ce seul nom mettait en colère Edmond Richer : « Je ne puis me persuader, grondait-il, que Du Haillan, natif de Guyenne, ne fût de quelque extraction anglaise, n’ayant pu celer la haine qu’il portait à cette vierge[2]. »

Il y a quelque chose d’attachant dans cette sollicitude de prêtre, — l’une des célébrités de la faculté parisienne de théologie, — qui semble vouloir réparer quelques-unes des iniquités commises à l’endroit de Jeanne par les universitaires du

  1. Jac. Joli, Puellæ aurelianensis causa adversariis orationibus disceptata. Paris, 1609.
  2. Richer, Histoire de la Pucelle d’Orléans, édit. Dunand, I, p. 42-43 ; II, p. 298 299 ; et I, p. 87. Paris, 1912.