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vous obtiendrez. Dans notre démocratie qui n’est qu’une multiplicité de petites aristocraties, l’école unique serait impuissante à atteindre tous les milieux sociaux et à attirer les intellectualités différentes. Elle nous donnerait un corps d’officiers de carrière trop rigide pour pouvoir s’adapter exactement à la troupe, moins sensible à en saisir les nuances.

Le système de recrutement actuel a satisfait à ces redoutables exigences ; il mérite la première place parmi les éléments qui ont fourni à notre corps d’officiers la puissance de vaincre.

Immédiatement après la question primordiale du recrutement prend place le principe de l’instruction professionnelle.

On sait sur quelles bases celle-ci reposait en temps de paix : l’officier de carrière apprenait son métier en l’exerçant dans son corps de troupe ; de temps à autre, il recevait une injection concentrée de science militaire par son passage dans une école d’application, dans une école ou un cours de tir, dans un stage d’armes. Ces stimulants entretenaient l’activité intellectuelle, mais le principe de l’instruction professionnelle restait la pratique quotidienne de la fonction.

Pour l’officier de complément il en était de même, avec cette particularité judicieuse que le temps de pratique était choisi dans la période où le métier du temps de paix se rapproche le plus du temps de guerre. La méthode était bonne et, pendant de longues années, donna des résultats pleinement satisfaisants. Cependant, dans les derniers temps, elle accusa quelques défaillances : la vie courante du pays restreignait chaque jour les conditions favorables à l’instruction ; l’extension des villes supprimait les terrains d’exercices, la diminution dans la durée des périodes de la réserve écourtait la période si féconde des manœuvres d’automne ; en un mot, la vie régimentaire perdait peu à peu sa vertu d’instruction. Lorsque la guerre éclata, on put néanmoins constater que, dans son ensemble, l’instruction était bonne : les officiers d’État-major et des corps de troupe connaissaient bien leur métier ; les lacunes existaient surtout dans la liaison des armes entre elles, accusant ainsi l’indigence de nos camps d’instruction et la réduction des périodes de convocation.