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inclinait encore, à Rome, « à regarder Jeanne comme une héroïne célèbre plutôt que comme une sainte. » Vingt ans après, le cardinal Parocchi, causant avec un autre évêque d’Orléans, lui dira :


Il faut vous le confesser, la sainteté de Jeanne, ici, en étonne plusieurs. Cette sainte à cheval, casquée et cuirassée, dont la voix excitait à la bataille, bouleverse certaines idées, comme elle bouleversa les bataillons anglais. Si c’était un homme, cela irait ; mais une jeune fille ! N’importe, ayez confiance[1].


Léon XIII, de bonne heure, voulut qu’on eût confiance et que l’évêque, de son audience, emportât au moins un sourire. « Quelles nouvelles du procès dois-je rapporter en France ? » lui demandait celui-ci en 1883. Et le Pape de répondre : « Dites qu’on vous encourage. »

Orléans, en 1885, sur la suggestion de Rome, ouvrit une enquête nouvelle, relative surtout à la piété populaire dont Jeanne avait été l’objet et à la réputation de sainteté dont cette piété témoignait. Avant même qu’elle ne fut achevée, Léon XIII, recevant le futur cardinal Coullié, lui lisait une lettre qu’il allait publier à son adresse : « Nous aimons à vous présager, disait-il dans cette lettre, l’heureux succès dont Dieu lui-même daignera couronner vos vœux unanimes en faveur d’une cause qui intéresse la gloire de la France entière et l’honneur de la ville d’Orléans. » Je pense, ajoutait le Pape, qu’on devinera qu’ici il est question de Jeanne d’Arc. La découverte qu’on venait de faire, dans la bibliothèque vaticane, du témoignage rendu à Jeanne, en 1429, par un clerc de l’entourage de Martin V, avait vivement intéressé Léon XIII : son attachement à la cause de Jeanne bénéficiait de cette trouvaille.

L’évêque d’Orléans quitta Rome, chargé de bons augures. Il y expédiait, en 1886, le dossier de la nouvelle enquête que l’on avait réclamée d’Orléans. Mais Orléans, tout en même temps, sollicitait l’autorisation d’en commencer une troisième, et de faire comparaître devant des juges ecclésiastiques, devant des médecins, certaines détresses qui, ayant invoqué Jeanne, se réjouissaient d’avoir été soulagées, guéries : Rome permit ce nouveau défilé de témoins, dont beaucoup savaient très peu de

  1. Mgr Touchet, La sainte de la patrie, I, p. LXIV.