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subsister à nos portes un Empire centralisé, destiné à subir, de nouveau, l’hégémonie de la Prusse. Il n’était pas, en effet, très facile de démêler les raisons qui avaient pu déterminer des Puissances victorieuses à maintenir, sous de vagues apparences de République, au cœur même d’une Europe bouleversée par une longue guerre, un État formidable, qui se refusait à reconnaître sa défaite militaire, qui conservait, au su du monde entier, la plus grande partie de son personnel impérial, qui dressait des arcs de triomphe à ses troupes vaincues et qui nourrissait déjà, dans l’ombre, des projets de revanche. Nombre de bons Français pensaient comme M. Jules Cambon, l’un de nos délégués à la Conférence de la paix, qu’en favorisant la naissance d’une fédération allemande et en restituant aux pays Rhénans leurs libertés anciennes, on ferait beaucoup pour la paix universelle. Le traité a encore écarté cette conception politique et la France a pris, de bonne grâce, son parti du fait accompli.

Ni dans les Chambres, ni dans le pays, personne ne s’est levé, depuis la ratification, pour demander un changement au texte signé. Ceux mêmes qui, à la tribune, avaient combattu le traité comme insuffisant, ceux qui s’étaient plaints de n’y trouver que des avantages pour nos alliés et des déconvenues pour la France, ceux qui, sans aller jusqu’à le repousser, ne l’avaient voté qu’à contre-cœur et avec des aveux d’inquiétude, tous se sont cependant retranchés derrière le seul rempart qui leur fût offert et se sont considérés comme tenus d’honneur à respecter la signature donnée par le gouvernement de la République. Reprocher aujourd’hui à la France un prétendu impérialisme, que dément toute sa conduite, c’est donc calomnier ses intentions et outrager la vérité.

Voici, du reste, que, par une dérision suprême, l’Allemagne enveloppe la noble Belgique dans les accusations qu’elle dirige contre nous. Au moment où je livrais à l’impression ma dernière chronique, le cabinet de Bruxelles n’avait pas encore pris la généreuse résolution d’envoyer des troupes, aux côtés des nôtres, sur la rive droite du Rhin. Mais, au lendemain du jour où il s’est courageusement associé à la mesure provisoire que nous avions adoptée pour empêcher le maintien de la Reichswehr dans la zone neutre, la Belgique s’est trouvée en butte aux plus violentes récriminations de l’Allemagne et le nouveau ministre des affaires étrangères du Reich, le docteur Koester, a osé dire, en pleine Assemblée nationale, que le peuple allemand ne reconnaîtrait jamais les résultats du plébiscite préparé, en vertu du traité, à Eupen et à Malmédy.