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bonnes positions qui résultaient d’une étude du terrain et non du hasard du combat ; des abris bétonnés étaient établis pour les mitrailleuses, les hommes et les postes de commandement ; les communications téléphoniques étaient enterrées ; seuls étaient visibles quelques éléments de tranchées, quelques boyaux de communication. Tant par le raccourcissement du front que par les dispositions moins visibles et moins vulnérables, elle permettait une économie de forces. En outre, tous les préparatifs de l’attaque française étaient désorganisés dans la zone Nord, ainsi qu’une partie des préparatifs anglais ; les deux armées alliées ne pouvaient combattre coude à coude sans des changements tels qu’on ne songea même pas à les entreprendre, et c’était là une faiblesse. La retraite allemande présentait donc des avantages évidents, sans qu’il fût besoin de l’attribuer à de profonds calculs, comme de préparer une future offensive sur le même terrain dévasté à l’avance et où les difficultés de communication étaient égales pour les deux partis. Il est fâcheux que cette retraite ait pu s’exécuter à loisir, sans être inquiétée, et qu’ait été écartée la suggestion du général d’Espérey, qui voulait attaquer dès les premiers jours de mars, en plein repli de la grosse artillerie et des immenses approvisionnements.

Dans ses Souvenirs de guerre, Ludendorff explique très nettement tous ses motifs ; il comptait retarder l’offensive des Alliés prévue pour le printemps, afin de laisser à la guerre sous-marine, commencée le 30 janvier 1917, le temps de produire ses effets ; en même temps, les stocks de munitions, presque épuisés par la bataille de la Somme, pourraient se reconstituer. Ludendorff dit que le haut commandement allemand envisagea la possibilité d’une contre-attaque sur tout le front de la nouvelle position, « afin, dit-il, de compenser par un gros succès tactique l’aveu de faiblesse que constituait notre repli. Nos effectifs et l’état des troupes rendaient impossible, sur un terrain impraticable, l’entrée en action de forces suffisantes pour nous assurer un réel succès. Pendant le repli, les troupes de l’Entente suivirent de très près. Pour elles, ce mouvement représentait un gros succès ; mais nous avions travaillé la presse avec tant d’adresse que cette opinion ne put se répandre. » Cette « retraite stratégique, » ce « repli élastique » contenait en germe, disaient les journaux allemands,