Le 20 novembre, sans aucune préparation d’artillerie, une
puissante attaque anglaise précédée par des tanks déboucha
devant Cambrai ; la surprise était complète, et faisait dans la
guerre une rentrée brillante. Sur un front de 18 kilomètres,
derrière les chars d’assaut, les divisions anglaises s’avancèrent
dans une brèche et bousculèrent les premières lignes ; mais
elles s’arrêtèrent à 8 ou 9 kilomètres sans rien avoir devant
elles, car rien n’avait été prévu pour exploiter ce succès : « Le
chef de l’armée anglaise n’exploita pas son grand succès, » dit
Ludendorff ; « autrement, nous n’aurions jamais pu limiter la
brèche. » C’est seulement le 22 et le 23 qu’une faible ligne
allemande put se reconstituer ; d’importantes forces arrivèrent
ensuite et prononcèrent une contre-attaque qui enleva aux
Anglais la plus grande partie du terrain si brillamment conquis
et même, sur certains points, pénétra dans l’ancienne ligne
anglaise.
La révolution avait profondément atteint la puissance offensive de l’armée russe. L’institution des conseils de soldats avait à peu près supprimé la discipline. L’appel de tous les paysans à profiter du partage des terres avait provoqué de très nombreuses désertions. Le chômage des usines et la désorganisation de l’arrière compromettaient tous les ravitaillements. La fraternisation sur le front, organisée par les Allemands, avait profondément atteint le moral de l’armée. Néanmoins, le personnel dirigeant gardait encore l’idéal patriote et révolutionnaire ; le congrès cadet, le congrès des paysans proclamaient la nécessité de l’offensive. Au début de juin, en réponse au radio du général en chef allemand demandant l’armistice, le Soviet lançait cet appel à l’armée : « Il oublie qu’on entend en Russie le bruit des combats sanglants qui se livrent sur le front franco-anglais. Il oublie que la Russie sait que la défaite de ses alliés serait aussi celle de la Russie et la fin de sa liberté politique. » Le gouvernement de Kerensky et le haut commandement russe avaient remercié leurs alliés occidentaux d’avoir attaqué vigoureusement en avril et de leur avoir permis de profiter de cette attitude pour conserver encore une certaine cohésion à l’armée.
Le haut commandement allemand était assez inquiet de