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comment finit la guerre.

Alliés, et il était bien certain qu’elle serait prévenue par l’offensive allemande. Le général Nivelle avait donc parfaitement raison d’attaquer au printemps de 1917 sans attendre l’arrivée des troupes américaines.

Il avait des forces suffisantes pour le faire, car sur le front occidental 2 600 000 Français, 1 800 000 Anglais, 100 000 Belges luttaient contre 2 700 000 Allemands. Il avait donc une supériorité de 1 800 000 hommes sur ses adversaires. Pour l’entretien de ses effectifs, nous avons établi qu’il disposait de 300 000 hommes du recrutement (classe 1917 et ajournés des classes précédentes). Il faut y ajouter les récupérés de toute nature. Les armées françaises ont pu renvoyer à l’intérieur 700 000 hommes (400 000 agriculteurs et 300 000 ouvriers de toutes professions) ; de larges économies pouvaient être faites de ce côté.

Le général Nivelle s’était mis en mesure de profiter d’une rupture rapide du front ennemi, et cette rupture ne se produisit pas. Mais sa méthode avait obtenu ce résultat d’infliger aux réserves allemandes une usure trois fois plus rapide que la bataille de la Somme, qui avait dépassé de beaucoup celle de Champagne et celle de Verdun ; beaucoup plus rapide, donc beaucoup plus difficile à réparer et beaucoup plus efficace. En mai 1917, les armées allemandes étaient dans le même état d’usure qu’en novembre 1916. Le service de renseignements de l’armée anglaise estimait à six semaines le temps nécessaire pour arriver à leur épuisement total ; ces renseignements concordaient avec ceux de l’État-major français. Il fallait donc continuer la bataille.

En résumé, en prolongeant l’offensive de 1917, on évitait vraisemblablement l’effondrement de la Russie et certainement le désastre de Caporetto ; menée par un commandement qui aurait profité des récentes expériences, la guerre se terminait au moins un an plus tôt, en épargnant à l’Entente les sanglants revers de mars et de mai 1918.

Général Mangin.