Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allemand se déchaînait. Le nouveau commandant Henry Bordeaux était alors en Alsace reconquise, interrogeant ce coin de terre sacré où déjà une autre chanson, — celle du « Vieil Armand, » — pouvait s’écrire. Brusquement il regagna Provins où le Grand Quartier général s’était transporté et se fit donner incontinent mission de se rendre, avec un camarade de la section, près des armées du général Fayolle qui, à cette heure, se battaient magnifiquement pour rétablir la grande bataille cruellement compromise.

Je pourrais ici évoquer, une fois de plus, des souvenirs personnels bien émouvants, décrire ces courses au front qui, un jour de folle randonnée, nous menèrent en Flandre jusqu’au pied du Mont Kemmel, m’arrêter à ces retours à Sentis d’où « le commandant » expédiait ses savoureuses correspondances, — brassées d’exploits épiques, — à la Section dont « la mission de Sentis » était comme une antenne tendue vers le champ de bataille. À son ordinaire, il cherchait cependant l’épisode héroïque où tiendrait — comme à Vaux en 1916 — l’ « esprit » de la nouvelle bataille. Il le trouva dans la défense magnifique qu’avaient, dans les derniers jours de mars, opposée les soldats du général Humbert au sud de Lassigny, — notamment sur ce Plémont, un de ces lieux sacrés où il faudra que « la foule vienne et prie. » Je le vis sans cesse repartir pour ce coin d’élection où, en juin, la bataille se ralluma, nolamment pour ce château en ruines de Plessis-de-Roye qui, finalement, devait donner son nom à la nouvelle « chanson. »

Il en réunissait les derniers éléments quand la guerre prenait fin. Envoyé en mission aux armées des Flandres, il assista au magnifique passage de l’Escaut par les troupes du général Dégoutte, puis « aux joyeuses entrées » dans les villes de Belgique libérée. Il lui restait à être le témoin de l’épilogue du drame, le passage du Rhin par les troupes du général Leconte à Mayence, — et l’entrée dans la grande ville rhénane des chefs vainqueurs, — heures admirables dont il a, dans un récent volume, fixé le transportant souvenir.

Après quoi, il quittait l’armée, ayant ainsi, sous toutes les formes, « servi. » À la satisfaction de servir il en avait ajouté deux autres : celle d’avoir une fois de plus justifié son œuvre, celle d’avoir encore élargi sa vision.