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On a même fait allusion à des lettres adressées par l’ancienne gouvernante des enfants de France au jeune prisonnier de Vire et aux réponses de celui-ci où il rendait un compte favorable des progrès de son instruction littéraire. Ce sont là racontages négligeables : plus authentiques sont les relations entretenues par Hervagault, — on lui laissera désormais ce nom, — avec ses initiés de Châlons ; la dame Saignes surtout, se signala par un zèle ardent, Rappliquant à « tempérer les rigueurs de la détention par l’aménité de sa correspondance ; » tous les dons recueillis pour le malheureux Dauphin lui étaient transmis par elle « religieusement ; » et quand, dans l’été de 1801, approcha le jour de la libération, afin d’éviter que le pauvre enfant se trouvât de nouveau exposé sans soutien aux hasards et aux risques de la vie aventureuse, Mme Saignes prit secrètement la route de Vire pour aller recevoir son prince à la porte même de la prison. Un autre initié Châlonnais, le citoyen Peudefer, s’offrit à l’assister dans "cette mission honorable ; mais, pour ne point éveiller les soupçons, il gagna par une autre route la capitale du Bocage normand. Enfin Hervagault est dans leurs bras : ils l’entraînent, le réconfortent, l’assurent de la fidélité de ses amis de la Marne : cinq jours plus tard, il arrivait à Châlons avec ses gardes du corps : on crut prudent de ne pas entrer, pendant le jour, dans la ville et l’on attendit la nuit close pour gagner la maison de Mme Saignes, où une réception était préparée. Acclamations, hommages, baise-main, bombance : Mme Saignes, triomphante, exultait de joie et ne cessait de répéter : — « Eh ! je vous l’avais bien dit que c’était le….. ! Le voilà ! »

Le….. Entendez « le Roi de France ; » mais il était convenu que le mot ne serait pas prononcé ; il fallait, en effet, agir