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restre auquel celle-ci est adaptée. Or, sur Mars, toutes ces conditions essentielles sont radicalement différentes : la pesanteur à la surface n’y est que le tiers de ce qu’elle est sur la terre, la pression atmosphérique n’y est qu’une très faible fraction de la nôtre, la constitution de l’atmosphère doit y être très différente comme l’est assurément l’intensité du rayonnement solaire. La vie organisée doit nécessairement être très différente ici-bas et les considérations économiques et politiques relatives à Mars qu’on peut faire en raisonnant, comme Lowell, par analogie sont certainement puériles et erronées.

Pour finir, je me bornerai à examiner, sans autre considération théorique ou inductive, la question des « canaux » de Mars, du point de vue des faits. C’est un point de vue peut-être un peu étroit, et auquel manque l’envergure vaporeuse de l’imagination. Mais quel piédestal solide, en son étroitesse, il fournit à la conviction ! N’est-on pas mieux en sécurité, en mer, lorsqu’on est assis sur un îlot minuscule, mais granitique, que lorsqu’on a pied sur un fond de sable mouvant et indéfini… et indéfiniment mouvant où on s’enlize ?

M. Percival Lowell s’est fait en Amérique l’apôtre enthousiaste des « canaux » de Mars, je veux dire de leur existence en tant que travaux d’art produits par une civilisation supérieure. Il est venu en France même prêcher cette croisade et il nous a raconté naguère, notamment, comment il a assisté du bout de sa lunette, à l’inauguration sur Mars d’un gigantesque canal à écluses. Il a oublié de nous dire si le chef d’État Martien qui présida cette cérémonie planétaire était un souverain héréditaire ou l’élu d’un congrès issu lui-même de quelque R. P. Mais ce fut évidemment par pure discrétion et pour ne pas influencer, par le poids d’une autorité céleste, les luttes politiques qui divisent et agitent les pâles humains.

Il est un point sur lequel nous sommes tous d’accord, quelle que puisse être non point notre dédain (il ne faut jamais dédaigner ce qui est agréable), mais notre défiance des extrapolations diaprées de la fantaisie et de l’imagination : c’est que si les « canaux » de Mars existent avec toutes les particularités qu’on y signale, ils ne peuvent être qu’une œuvre admirable créée par des ingénieurs étonnants et qui laissent loin derrière eux, — encore qu’ils ne sortent vraisemblablement pas de nos grandes écoles, — nos propres techniciens.

Ce point admis, une toute petite question préjudicielle se pose :

Les « canaux » de Mars existent-ils réellement à la surface de cette planète ? Ne sont-ils pas dus à quelque défectuosité dans les