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organisation à celle qu’imposerait à la Grande Bretagne la constitution d’un « conseil de surveillance de la Tamise. » Il oublie tout simplement que celle-ci n’est pas un cours d’eau traversant plusieurs pays. Voilà un exemple entre cent des erreurs où l’entraîne sa passion. « Le livre, nous traduisons littéralement le texte du Times, est tellement vicié par une violence progermaine persistante que sa valeur, en tant que contribution à l’étude des conséquences économiques de la guerre, en est singulièrement affaiblie. »

La fin de l’article est d’une éloquence singulière. « Etudier le traité dans un esprit d’oubli de la culpabilité germaine, d’atténuation des crimes allemands, avec le souci, sous prétexte d’impartialité, d’aider l’Allemagne à échapper aux conséquences de sa félonie, c’est non seulement se condamner à un échec, mais c’est détruire ce qui reste de la solidarité interalliée, grâce à laquelle les plans allemands ont été anéantis. L’Allemagne est entrée en campagne parce qu’en 1870-71, elle avait fait de la guerre une affaire profitable et qu’elle espérait recommencer. Elle a failli réussir. Si maintenant on lui donnait le contrôle des ressources russes et qu’on la tint quitte des réparations, en lui laissant l’option de payer ou de ne pas payer, qui l’empêcherait, dans quelques années, une fois qu’elle serait maîtresse de la Russie, de renouveler la lutte avec une armée préparée en secret, commandée par des vétérans, et de rançonner l’Europe et l’Asie ? M. Keynes est peut-être un économiste de valeur. Il a pu être un bon fonctionnaire de la Trésorerie. Mais, en écrivant son livre, il a desservi les Alliés d’une façon qui lui vaudra sans doute la reconnaissance de leurs ennemis. »

Nous n’ajouterons rien à ce jugement britannique qui nous dispense d’aller plus loin dans l’exposé et la justification des clauses économiques du traité. Nous regarderons maintenant « de l’autre côté de la barricade, » en essayant de soulever le voile d’oubli qui semble déjà s’étendre entre beaucoup de nos contemporains et le souvenir des horreurs sans nom dont l’Europe et les mers du globe furent le théâtre pendant plus de quatre ans, et en montrant contre quelles difficultés financières les Alliés ont à lutter aujourd’hui.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.