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comment finit la guerre.

que nous nous repliions sur de grandes étendues de front. Nous pouvons encore conduire la guerre de cette façon pendant un temps appréciable ; nous pouvons infliger à l’ennemi de lourdes pertes, laisser derrière nous un pays désertique, mais en agissant ainsi, nous ne pourrons jamais plus gagner la guerre. »

Savourons en passant cette perspective de dévastations inutiles que le représentant du G. Q. G. ouvre comme consolation devant les chefs de partis du Reichstag ; constatons que dans la conférence du 17 octobre, devant les secrétaires d’État, le chancelier Max de Bade et Ludendorff, le colonel Heye, adjoint à Ludendorff, remarque incidemment : « Si nous nous retirons en combattant, il faut détruire le pays, car il faut créer entre l’ennemi et nous une frontière de sécurité. » Prétexte ridicule, puisque la retraite était envisagée comme pratiquement indéfinie, Scheidemann est là, qui écoute sans mot dire, alors qu’il sait bien interrompre en d’autres circonstances, Scheidemann, le chancelier de demain, qui publiera ces documents pour servir sa polémique contre Ludendorff, sans même se rendre compte que l’Allemagne déposait en un instant le masque d’humanitarisme tout neuf qu’elle venait d’attacher laborieusement sur sa figure.

Mais revenons aux effectifs. — Ludendorff, le 9 octobre, dans une conférence tenue avec le chancelier et les ministres, dit : « Dans les derniers mois, il nous manque par mois 70 000 hommes. » Grande question : aura-t-on des renforts ? En avril et juin, le G. Q. G. demande que les renforts soient plus importants. En août, une conférence a lieu à ce sujet. Mais rien de décisif n’est mis sur pied. Le ministre de la Guerre doit savoir si c’est encore possible. Le remplacement du matériel est assuré, mais les hommes manquent… À l’Ouest, le manque d’hommes est chose décisive… « La défensive coûte plus cher que l’offensive, » répète-t-il une fois de plus. Et le ministre de la Guerre Scheuch refait son compte. Et on examine, pour les écarter, la solution d’une levée en masse, puis la prolongation du service militaire jusqu’à 60 ans. Le déficit de 70 000 hommes par mois est constant, il subsisterait même pendant l’hiver si les opérations étaient arrêtées ; car il s’agit de recompléter les divisions, dit Ludendorff, et il a calculé sans tenir compte de l’augmentation de l’ennemi.

Dans la grande conférence du 17 octobre, on voit le général Hoffmann, revenu du front Est, constater que les divisions de ce commandement sont composées d’hommes de 35 à 45 ans et