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chanvre et jute, la moitié de nos filatures de laine cardée et de coton. Les tissages de coton et de lin y comptaient 55 000 métiers. Toute cette richesse est presque entièrement anéantie. Prenons un exemple. La filature de laine de MM. Harmel frères au Val-des-Bois par Warmeriville (Marne) était célèbre dans le monde entier, aussi bien par la qualité de ses produits que par les institutions patronales qui en avaient fait un modèle de colonie industrielle, sociale et familiale. Toutes les marchandises, plus de 300 000 kilogrammes de laine peignée et de fils de laine, ont été enlevées ; les courroies, objets en cuir, câbles, accessoires de transmission, tous les approvisionnements, huiles, outils, produits chimiques, pompes, tuyaux, canalisations, fils électriques, téléphones, métaux ont disparu. Les machines de filature ont été brisées à coups de marteau, les deux grandes cheminées, les machines a vapeur de l’usine dynamitées ; enfin, le 4 octobre 1918, les Allemands évacuèrent la population, mirent le feu aux bâtiments et firent sauter à la mine ceux qui restaient debout.

Les mêmes enlèvements et destructions systématiques ont été constatés dans la région de Fourmies (Nord) par une délégation officielle de la Société du commerce et de l’industrie lainière de cette région. Des 75 usines qui existaient à Avesnes, Avesnelles, Sains-du-Nord, Etrœungt, Felleries, Fourmies, Wignehies, Glageon, Trélon, Anor, Mondrepuis, Hirson, La Capelle, Poix-du-Nord, Solre-le-Château, et qui comportaient 740 000 broches et 3 720 métiers, il en reste 6, qui pourront être remises en marche après d’importantes réparations. Toutes les autres sont incendiées, vidées de leur matériel. Armentières, la métropole de la toile, n’existe plus. A Sedan, dont les manufactures de drap avaient déjà tant souffert de la guerre de 1870, tous les métiers ont été détruits. Quant à l’industrie de la broderie mécanique, qui avait son siège dans la région de Saint-Quentin, elle est anéantie par suite de l’enlèvement ou de la destruction des 7 325 métiers à broder qui s’y trouvaient.

Les industries textiles se rangent en trois grandes catégories, peignage, filature et tissage. Pour les peignages, dès 1919, on évaluait les dommages à 3 milliards ; pour les filatures, à 13 milliards ; pour les tissages, à 6 milliards. Les industries de teinture, blanchiment et apprêts qui se rattachent à celles des tissus, ont perdu un demi-milliard.