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francs, tandis que le montant établi par M. Clavier, directeur général du ministère des Finances, est de 40 milliards. Dans son estimation des dommages belges, l’auteur anglais n’est pas seulement resté à une distance excessive de la vérité, mais il n’a pas tenu compte des dommages causés à la fortune mobilière, des réparations dues aux déportés malades et devenus incapables de tout travail, aux familles des milliers de civils massacrés, des indemnités dues aux mutilés, des pensions à servir à ceux dont les morts étaient le soutien. Dans toutes ces catégories, la Belgique est sur le même pied que la France et les autres Alliés. Sa créance est aussi certaine et aussi sacrée.


VII. — ROUMANIE

Les souffrances endurées par la Roumanie sont comparables à celles de la Belgique : comme cette dernière, elle a vu la majeure partie de son territoire aux mains des Allemands ; toutefois, l’occupation n’a duré que deux ans, de novembre 1916 à novembre 1918. Mais, pendant ce temps, les envahisseurs ont semblé prendre à tâche, avec une rage froide, de dévorer la substance même du pays, en confisquant à leur profit tout ce qu’ils y avaient trouvé et en s’efforçant d’exploiter, ou de faire exploiter par des tiers, pour leur compte, toutes les richesses d’un sol particulièrement fécond. Ils ont ainsi plongé le pays dans la plus profonde misère. Les réquisitions arbitraires étaient aggravées par un ingénieux système de spéculation. Ainsi on réquisitionnait dans un village le bétail en l’évaluant à 300 francs par tête, pour le revendre dans un autre à 600 francs. Les chaudrons en cuivre réquisitionnés étaient évalués à 15 francs ; on les remplaçait par d’autres en fer blanc que l’on vendait 50 francs aux malheureux indigènes. Le commandement allemand vendait aux enchères des machines ; quelques jours après, il en réquisitionnait les accessoires en cuivre, ce qui les rendait inutilisables.

Le ravitaillement de la population était d’ailleurs impossible, à cause des innombrables prohibitions édictées par l’armée : prohibition de l’expédition des vivres d’une localité à l’autre ; interdiction de faire franchir à la barrière de la ville les articles d’alimentation ; impossibilité absolue d’user du