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antérieurement formées dans les administrations publiques s’adaptèrent vite à la législation nouvelle, et il s’en constitua rapidement, sur le même type, une multitude d’autres. Les ministres virent, d’abord, avec quelque surprise, puis avec un peu d’inquiétude, pulluler autour d’eux ces organismes naissants, qui concentraient, bien entendu, toutes les réclamations et qui risquaient d’ébranler la hiérarchie traditionnelle. On s’accommoda cependant peu à peu d’un régime que semblait rendre inévitable l’évolution de la vie administrative et qui, appliqué par des fonctionnaires disciplinés, n’était pas sans avantages.

Mais un jour vint où la loi de 1901 et la forme de l’association ne répondirent plus exactement aux conceptions de certains intéressés. Ils prétendirent avoir le droit de demander un abri à la loi de 1884 et de se grouper dans des syndicats professionnels. Beaucoup d’entre eux, il en faut convenir, ignoraient les différences des deux législations et ne soupçonnaient pas que l’une et l’autre leur conféraient à peu près les mêmes droits. Mais la loi de 1884 se présentait à eux, croyaient-ils, sous un aspect plus démocratique ; ils s’imaginaient qu’elle les associait plus étroitement aux espérances des travailleurs et, pour les plus ardents, elle avait surtout la valeur d’un instrument de combat. Devant une illégalité flagrante, les gouvernements commencèrent par menacer de dissolution les syndicats de fonctionnaires ; un ou deux ministères eurent même le courage de mettre la menace à exécution; mais ils furent aussitôt suivis d’autres ministères qui abandonnèrent les poursuites. Les Chambres, constatant l’incohérence d’une politique qu’elles n’avaient rien fait pour rendre plus rationnelle, demandèrent qu’on laissât les choses en l’état jusqu’au jour où interviendrait un statut général des fonctionnaires. Des projets furent déposés qui donnèrent à MM. Barthou et Maginot l’occasion de rédiger de remarquables rapports. Mais le temps passa sans que rien fût voté; les syndicats continuèrent à recruter des adhérents et à se multiplier; les gouvernements s’accoutumèrent, de plus en plus, à fermer les yeux. Au lendemain de la guerre, certains fonctionnaires, fortifiés par cette longue impunité, reprirent activement leur propagande et il ne leur fut pas adressé par leurs chefs le moindre avertissement. Encouragés par cette tolérance, ils déclarèrent s’affilier à la Confédération générale du Travail et il ne leur fut fait d’abord aucune observation. Comment ne se croiraient-ils pas autorisés à se prévaloir d’un silence qui avait toutes les apparences d’un acquiescement? Ressaisir aujourd’hui,