de victoire, était envisagée par les Allemands avec une netteté qui nous édifie sur la façon dont ils seraient arrivés à leurs fins. Voici ce qu’écrivait en 1915 le baron de Zedlitz-Neukirch, membre de la Diète de Prusse, qui exprimait l’opinion de la plupart des grands propriétaires fonciers, des industriels, des armateurs et des commerçants :
« Le total des indemnités de guerre et des pertes atteindra une hauteur presque fabuleuse… il sera, impossible d’exiger la restitution entière de nos dépenses et de nos pertes en valeurs escomptables. Comme, d’un autre côté, il n’y a rien qui puisse nous faire renoncer à cette restitution pleine et entière, il faudra nécessairement l’obtenir sous une autre forme. La restitution en argent pourra être remplacée par certains avantages économiques, propres à relever notre richesse nationale. Cela se fera par des traités de commerce avantageux, des concessions de mines, de chemins de fer. En dehors de cela, il faudra des acquisitions territoriales. Les gisements métallurgiques de la Lorraine française et de la Pologne russe sont le complément de nos propres exploitations minières. Trouver en tout cela la solution juste et utile, c’est certainement une tache digne des plus nobles efforts. »
On devine ce que le baron de Zedlitz-Neukirch appelle la solution juste et utile, celle qu’il considérait comme digne de ses plus nobles efforts : elle consistait, pour l’Allemagne, à se faire payer non seulement les dommages, mais tous les frais de guerre. La somme une fois fixée, ce qui n’aurait pas été acquitté en valeurs escomptables, aurait été couvert par des annexions territoriales et des concessions multiples, destinées à parfaire le paiement.
Parmi les nombreuses publications qui, avec un cynisme naïf, ont, au cours de la guerre, révélé l’état d’âme des Germains, citons encore la brochure du comte Reventlow, qui, sous ce titre significatif : Avons-nous besoin de la côte flamande ? entassait argument sur argument pour démontrer que l’Allemagne ne pouvait vivre sans cette conquête. La nature, disait l’auteur, a mis tous les avantages stratégiques du côté anglais ; il faut en conséquence appuyer nos défenses de la Baltique sur celles de la mer du Nord, sans quoi nous ne pourrons avoir l’empire des mers.
D’ailleurs, ce n’était pas seulement le rivage que Reventlow réclamait, c’était toute la Belgique, sans laquelle, disait-il, il est impossible d’assurer la renaissance économique et