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de longues années, servir de guide à l’humanité. La battre en brèche, c’est ouvrir la porte à de redoutables inconnues ; c’est avant tout donner à l’Allemagne un prétexte pour se dérober à l’accomplissement de ses engagements. Quel est l’homme d’Etat qui oserait prendre cette formidable responsabilité ? »

Le traité de Versailles est l’œuvre commune des Alliés. Au cours des longues discussions qui en ont accompagné l’enfantement, des divergences ont pu se produire, — et se sont produites en effet. Mais on est arrivé à un accord, après lequel toutes les oppositions de vues doivent disparaître. C’est la leçon profonde qui doit être dégagée de la paix, comme l’unité de commandement avait été celle de la guerre. Nous adjurons les grandes démocraties qui forment le nœud vital de l’alliance de se pénétrer de cette nécessité. Selon que la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Italie, la Roumanie, la Yougo-Slavie, — pour ne parler que de l’Europe, — seront unies ou non pour l’exécution du traité, la face du monde changera. Le vrai moyen d’assurer la paix, si ardemment souhaitée par la malheureuse humanité, c’est de montrer, à ceux qui doivent les réparations, le front uni de ceux à qui elles sont dues. Que pourront répondre 60 millions d’Allemands aux 200 millions d’alliés[1], lorsque ceux-ci, sans haine mais sans faiblesse, réclameront ce qui leur appartient ? Il est de l’intérêt même des Germains qu’ils ne puissent pas avoir de doute sur la volonté unanime des signataires du traité. La certitude qu’ils éprouveront à cet égard découragera les velléités de révolte que ne manquerait pas d’entretenir chez eux l’espoir d’une désunion entre les associés. Ils renonceront alors aux armements inutiles, parce qu’ils auront la conscience de leur infériorité vis-à-vis d’une coalition résolue à maintenir la paix. Ils porteront leur effort vers la constitution d’un budget, dans lequel il y aura place pour les dépenses nécessaires au développement de leur pays en même temps que pour les remises à faire aux Alliés.

Nous avons, au cours de notre travail, essayé de montrer la situation vraie des principaux belligérants au lendemain de la lutte. Si nous avons, une fois de plus, évoqué les ruines

  1. France. 40 millions ; Grande-Bretagne, 55 ; Italie, 38 ; Belgique, 8 ; Pologne, 25 ; Roumanie, 16 ; Tchécoslovaquie, 12 ; Yougoslavie, 15 ; Grèce, 8. Au total, 217 millions d’habitants, sans compter les colonies ni les alliés des autres parties du monde.