Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce qu’il appelait « une mêlée » et maintint ses divisions entre le Mincio et l’Adige. Il se basa jusqu’à la fin sur sa théorie, que, pour utiliser efficacement des troupes, il fallait les disposer sur un front éloigné de toute gêne provenant de l’ennemi : sans quoi, elles seraient à leur tour entraînées dans la masse des éléments désorganisés. Excellent principe, lorsqu’il est possible de le faire cadrer avec les facteurs indispensables d’espace et de temps. Mais, dans le cas en question, il était à craindre que ces facteurs ne vinssent à manquer. Et de fait, lorsqu’ils firent défaut sur le front français, Foch s’écarta de sa théorie : ainsi en 1918, quand les Allemands firent la trouée au point de jonction franco-anglais, Foch alors jeta ses réserves dans la brèche comme il le put, en camions, sans artillerie et sans vivres. Du reste, remercions le sort pour l’obstination aveugle des Français : car, dans l’hypothèse contraire, cette aide qu’ils nous auraient donnée nous aurait entraînés dans un esclavage politique et moral de cinquante nouvelles années. C’est ainsi que sur la Piave nous fûmes bien seuls à résister et à réorganiser « la mêlée. » Et la décision fut l’œuvre de Cadorna, non d’un autre.


Telle est la forme qu’a prise, sous la plume du dernier publiciste italien qui l’ait soutenue et qui semble bien être le porte-parole du général Cadorna lui-même, une thèse particulièrement propre à frapper et à séduire ses compatriotes. Laissons-le se féliciter de ce que son pays ait échappé, grâce à l’ « aveugle obstination » du maréchal Foch, à un « esclavage politique et moral de cinquante nouvelles années. » Bornons-nous à examiner, à la lumière des faits et à l’aide de quelques documents originaux, son argumentation et ses conclusions condensées, dès les premières lignes de son opuscule, dans celle définition qu’il donne du front de la Piave : « la ligne de résistance choisie et voulue par Cadorna, refusée par Foch, et simplement acceptée par Diaz. » Notre examen laissera intentionnellement de côté la question de savoir à qui, du général Cadorna ou du général Diaz, revient le mérite de la résistance sur la Piave. Nous nous en tiendrons à rétablir la vérité historique en ce qui concerne le maréchal Foch, que nous suivrons pas à pas du 24 octobre au 23 novembre 1917.


Le 24 octobre 1917 se déclenche l’offensive austro-allemande contre le front italien de l’Est. Le général Foch, — nous lui