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été épousée par lui. Un autre de ses cousins issus de germain, François Bossuet, — ce parvenu dont nous avons vu plus haut que Jacques-Bénigne étudiant et son frère avaient eu l’utile protection, — venait de tomber en disgrâce. Longtemps homme de confiance du Surintendant, il se trouvait compromis dans son procès et soulevait la réprobation publique par une fortune immense due vraisemblablement à des concussions. La Chambre de Justice lui réclamait « des millions extorqués. » Sans doute, Bossuet n’était pas entaché par ces vilaines affaires qui ne l’empêchaient point d’être appelé par l’archevêque de Paris et par le Roi à prêcher à la Cour ; — mais les avocats de ses adversaires ne négligeaient pas l’occasion d’insinuer que le nom de Bossuet signifiait « homme habile dans l’art des exactions »[1].

Et donc l’affaire suivit son cours, un an, deux ans encore. De guerre lasse, quelques-uns des prétendants se retirèrent. « Il ne resta plus que Charles Fourdrinière, » le candidat soutenu par le Prieur de Cluny. Mais à ce petit et obscur personnage, « la congrégation de Cluny substitua comme plus autorisé et autrement redoutable » celui dont nous avons déjà cité le factum, dom Pierre du Laurens, Parisien d’une vieille famille bourgeoise, médicale, parlementaire, ecclésiastique. Alors le débat change de face. Avec du Laurens, seul champion, c’était Cluny qui défendait ses privilèges, ses bénéfices, et même un principe : principe de droit canon : « Regularia regularibus : les biens monastiques doivent être réservés aux moines. » Le nouvel Abbé de l’Ordre, le cardinal d’Este, ne s’intéressait point, ce semble, à Bossuet. Mais peut-être pas beaucoup plus à son Ordre. S’il avait fait bloc contre Bossuet avec le Prieur, le procès eût pu tourner tout autrement.

Car en somme, elle était fort juste, cette vieille maxime, pour laquelle Cluny parlait en guerre. C’était sagement que les Conciles avaient voulu « faire cesser, » dans ces attributions de biens, « le mélange des clercs et des moines, garder l’ordre de la hiérarchie et maintenir distinctes et autonomes, la vie et les ressources des congrégations monastiques. » Stipulée par le concordat de 1516, réclamée par le Concile de Trente et par les conciles provinciaux du XVIe siècle, cette règle, —

  1. Jovy.p. 2, 25.