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qu’elle a signé fin sa main et fait contresigner par moi son conseiller et secrétaire d’Etat et de ses commandements et finances [Signé] : LE TELLIER[1].


Mettons-nous, je vous prie, à la place des chanoines de Metz, lisant cette décision césarienne qui nomme un évêque comme un fonctionnaire, — de cette « volonté », qui règle, à la fois et sans hésitation, ce transfert d’un archevêque a un évêché et le maintien du caractère archiépiscopal à un évêque, — qui consomme sans phrases, outre l’abolition, consentie par le Pape, de la nomination papale, la déchéance, nullement consentie, du Chapitre, dont le nom n’était même pas prononcé… Rendons-nous compte de ce que pouvaient être, en présence de ces procédés impérieux, dans ces âmes du passé, des sentiments appuyés par la tradition comme par l’orgueil. L’ « émotion » était inévitable.

Pour y parer, un expédient ingénieux fut trouvé. En hâte, au commencement du mois d’août 1668, le 11, — quoique à cette date la nomination du nouvel évêque fût faite depuis quarante-sept jours, — le Chapitre, feignant de considérer que le siège était encore vacant, usa du droit qu’il avait, — et que les Chapitres ont conservé jusqu’à ces temps derniers, — d’élire, via scrutini, les vicaires généraux chargés, sede vacante, de l’administration spirituelle du diocèse. Et il élut en premier lieu Mgr l’Archevêque d’Embrun, Georges d’Aubusson de la Feuillade[2]… Ainsi, quand il serait monté sur le siège de

  1. Bibliothèque de l’Institut, manuscrits Godefroy, t. 331, f° 340 (25 juin 1668).
  2. Nous permettra-t-on de citer ce texte, réplique au précédent ? (C’est une variante (d’après les manuscrits Godefroy, t. 331, f° 313, 11 août 1668) du texte imprimé par le comte Emmery, dans son Recueil des arrêts du Parlement de Metz, t. V, p. 337.) « Nous chanoines et chapitre de l’église cathédrale de Metz, A tous abbés et abbesses, chanoines et chapitres des Collégiales, prieurs et couvents des abbayes et autres monastères réguliers de l’un et l’autre sexe, archiprêtres curés, chapelains, prêtres et autres fidèles du diocèse de Metz Salut en Nôtre-Seigneur. — Le siège de cet évêché étant présentement vacant, et étant de notre devoir en ce cas de pourvoir au spirituel dudit évêché, suivant le droit et la possession en laquelle nous sommes de temps immémorial en qualité d’administrateurs nés, Nous avons, pour bonnes considérations prié instamment Mgr l’archevêque d’Embrun de vouloir accepter cette administration du spirituel, et, avec lui, Mr Jacques-Bénigne Bossuet, docteur en la faculté de Paris, chanoine et grand doyen de l’église-cathédrale de cette ville et M. Louis Foës, licencié ès droits, aussi chanoine et trésorier en cette même église, lesquels nous avons nommés, comme par ces présentes nous nommons, grands vicaires, pour, conjointement avec mondit Seigneur et séparément en l’absence l’un de l’autre, faire et exercer les fonctions de grands vicaires de cet évêché… En foi de quoi nous avons, à ces présentes, que nous ordonnons être publiées, affichées et signifiées à qui il appartiendra, fait mettre et apposer notre scel et icelles contresigner de notre secrétaire ordinaire. Fait en notre chapitre à Metz le 11e jour du mois d’août 1466. Par ordonnance de Mrs les vénérables chanoines et chapitre de l’église cathédrale de Metz, administrateurs de l’Evêché, signé J. GODEFROY, secrétaire. » — A l’appui de ce que j’ai eu à faire observer, à différentes reprises, sur les conflits des pouvoirs et des prétentions dans la France d’autrefois, ajoutons que le « sieur abbé de Coursan » protesta à la fois contre le brevet royal et contre l’ordonnance du chapitre de Metz ; et le 13 août, fit connaître à son tour, par un « mandement, » aux clergé et fidèles du diocèse, que lui seul était administrateur de ce diocèse, lui seul vicaire général perpétuel et irrévocable au spirituel et au temporel, et interdit à ses ouailles d’obéir aux prétendus grands vicaires. (Mss Godefroy, t. 331, f. 342).