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protectrice que la Société des nations doit confier à une Puissance européenne. Le 20 janvier 1919, le général Hamelin, commandant alors les troupes françaises du Levant, et quelques officiers de son état-major, arrivaient à proximité de la petite ville libanaise de Jezzin. Si vous désirez savoir quel accueil ils y recevaient, lisez la très intéressante brochure de M Gustave Gautherot, qui était, auprès du général, chef du bureau des opérations militaires. An passage des autos, les villageois, reconnaissant le fanion et les uniformes, jetaient des fleurs et criaient : « Vive la France! » et partout, de la Palestine à la Cilicie, des ports du littoral aux vallées intérieures de l’Oronte et du Litani, se répétaient ces manifestations touchantes. Mais M. Gautherot nous montre combien la prolongation anormale de l’armistice, les retards apportés à la signature de la paix, l’extrême pénurie des moyens que les nécessités européennes laissaient à notre armée du Levant, les intrigues d’un grand nombre d’agents ou d’officiers alliés, les prétentions exorbitantes de Feyçal et les attaques déloyales des chérifiens, ont peu à peu semé d’obstacles sous nos pas trop incertains. Depuis plusieurs mois, je n’ai cessé de dénoncer ici les manœuvres de l’émir qui, après avoir obtenu que le général Gautherot reçût l’ordre de ne pas occuper la Bekaa, s’était cru tout permis et s’était imaginé pouvoir étendre son empire jusque sur le Liban et sur la côte. Heureusement ceux qui avaient fait, un peu aveuglément, confiance à Feyçal et à ses bédouins ont maintenant, les yeux ouverts. Ce résultat est dû surtout à l’action persévérante du Comité de l’Asie française et aux efforts d’hommes tels que M. Paul Huvelin, professeur à la Faculté de droit de Lyon, chef de la mission qu’ont envoyée en Syrie, au lendemain de l’armistice, les chambres de commerce de Lyon et de Marseille, l’Université de Lyon et le Comité syrien de Paris.

Bien que nos incohérences aient failli, d’une part, nous brouiller avec les Arabes et, d’autre part, mécontenter nos protégés, rien n’est perdu. Le mouvement chérifien n’est, comme l’ont clairement expliqué MM. Gautherot et Huvelin, qu’une cabale étrangère aux sentiments profonds du pays et les aspirations indigènes, comme nos intérêts économiques, nous font un devoir de ne pas laisser passer à d’autres mains le « mandat » de la Syrie. Nous ne nourrissons pas l’ambition de « tunisifier » le pays, mais nous saurons lui assurer, sous notre arbitrage, dans la forme fédérative qui correspond aux besoins variés de races diverses, l’unité, l’indépendance et la paix. Et, cette fois peut-être, les faiseurs de paix auront, n’en déplaise à