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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/462

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certainement ses raisons, et nous ne pouvons que nous incliner respectueusement devant elles. C’est ce que je ne cesse ni ne cesserai de dire à quelques amis un peu intempérants des Américains : J’en ai connu qui ne faisaient pas assez de différence entre le choix d’un cardinal et la nomination d’un fonctionnaire ou d’un serviteur du royaume d’Italie. Mais combien il serait à souhaiter que, dans un prochain avenir, ces raisons eussent changé et que le Loyalisme des catholiques d’Amérique reçût une satisfaction à laquelle, je le sais de science certaine, ils tiennent non pas autant, mais bien plus que les catholiques d’aucun autre pays du monde ! Plus j’y songe, — et, au cours du combat que je livre, Votre Eminence m’accordera que j’ai souvent l’occasion d’y songer, — plus il me semble que quantité de choses françaises sont comme suspendues à la fortune du catholicisme aux États-Unis. Je sais ce qu’il y a d’exagération, d’orgueil ethnique si je puis ainsi dire, dans la théorie du P. Hecker, qui est un peu celle de Mgr Ireland, sur la rénovation d’un catholicisme purement et surtout latin par l’infusion du génie anglo-saxon, mais il y a aussi de la vérité ! Bien expliquée, mieux expliquée que les Américains ne l’ont expliquée jusqu’ici, la thèse n’est pas tout à fait fausse ! On ne doit pas la perdre de vue. Et sachant un peu par expérience quels sont les obstacles que la foi rencontre chez la plupart de nos intellectuels, j’estime, Monseigneur, que l’ « Evolution » du catholicisme en Amérique est de nature à lever quelque jour les principaux de ces obstacles.

Votre Eminence trouvera peut-être ces réflexions un peu… impertinentes, et aussi ne me permettrais-je pas de les faire publiquement ni tout haut. Mais, Monseigneur, Votre Eminence m’a donné tant de témoignages de sa confiance et de son affection que j’y répondrais mal si, quand l’occasion en vient sous ma plume, je n’usais pas d’une franchise entière. Elle me dira si je me trompe ou non. Je ferai mon profit de ses conseils. Et Elle pensera ce qu’elle voudra de ma… politique, mais Elle ne doutera pas de la sincérité des mobiles qui me guident, ni surtout, Monseigneur, des sentiments de profond respect avec lesquels je m’honore d’être son très humble et très obéissant.